labrys, études féministes
numéro 1-2, juillet/décembre 2002
L'apport des gender studies
aux études filmiques
Geneviève Sellier
Résumé
Les études filmiques ont été à la fois un lieu privilégié d’élaboration d’une approche gender (en Grande-Bretagne et aux États-Unis) et en France un lieu privilégié de résistance aux approches gender, pour des raisons qui tiennent aux traditions culturelles spécifiques et à la place de l’Université dans chacune des sociétés. Les approches gender des films, qui se sont d’abord développé dans la foulée des mouvements féministes, ont pris pour cible le cinéma hollywoodien, avec l’instrument de la psychanalyse, comme un lieu de construction de la domination masculine sur des femmes transformées en fétiches.
Dans un deuxième temps, les chercheuses ont proposé une relecture des « grands auteurs » masculins pour remettre en cause la soi-disant « neutralité » de leur création, tout en réhabilitant les rares cinéastes femmes que l’histoire officielle avait systématiquement oubliées. Dans le même temps, un cinéma féministe tentait d’inventer des alternatives au cinéma dominant. Ensuite, des recherches sur les spectatrices ont exploré les contradictions particulières auxquelles elles sont soumises, et les stratégies de résistance qu’elles développent. Des recherches sur les stars masculines et féminines ont mis en relief la construction de leurs images comme un lieu fort de conflits entre l’industrie et ses publics. D’autres recherches ont fait émerger un regard gay et lesbien sur le cinéma, ou ont mis en valeur l’impact de l’orientation sexuelle des cinéastes sur leur œuvre. Aujourd’hui c’est l’extrême diversité de ces recherches qui frappent et qui confirment la validité, s’il en était encore besoin, de l’approche gender sur les films.
Mots clefs
Cinéma, film, gender, féminisme, création, rapports de sexe, domination masculine, Hollywood
Les études filmiques françaises entretiennent un rapport paradoxal avec les gender et cultural studies anglo-américaines. En effet ces deux approches correspondent dans les pays anglophones à un renouvellement sans précédent des études filmiques et audiovisuelles, alors qu’elles restent en France, dans le pays qui a inventé la cinéphilie et le cinéma d’auteur, le domaine le moins connu et le moins reconnu. Mais peut-être y a-t-il justement un lien étroit entre la légitimité culturelle à laquelle a accédé le cinéma dans notre pays, et la résistance des études filmiques françaises aux approches socioculturelles, dont relèvent aussi les gender. En effet, la cinéphilie est inventée dans les années 20 par Louis Delluc et ses amis, comme un regard cultivé sur le cinéma qui, à l’époque, était encore un divertissement populaire méprisé par les élites. Pour se distinguer des masses, voici comment se décrit Louis Delluc en 1923 : " Louis Delluc aime le cinéma, c'est tout. Enthousiasmé par la grande période de la Triangle, Cow-boy et Cie de 1915,16,17, il s'est épris violemment du blanc et du noir. Ça paraissait une sobre synthèse qui, à tort ou à raison, lui évoqua les drames d'Eschyle ou les récitatifs de Claudio Monteverde (sic).
Le nombre de ces amples images convaincantes était limité en somme, et durement équilibré par le stock d'horreurs françaises, italiennes, russes - qui ne sont pas encore tout à fait liquidées (Delluc, 1985: 173). Opposant déjà l’excellence du cinéma américain à la médiocrité des productions européennes, la cinéphilie de Delluc construit l’équivalence entre beauté, virilité et abstraction d’un côté et laideur, sentimentalité et féminité de l’autre.
Cette démarche s’inscrit dans une tradition culturelle française, le " modernisme ", dont l’historien A. Huyssen repère l’émergence au milieu du XIXe siècle (Huyssen, 1989). A l'époque, il s’agit pour les écrivains et les artistes de se distinguer d’une culture de masse émergente où ils craignent d’être engloutis. Souvent consommée (et quelquefois produite) par des femmes, cette production culturelle standardisée et rentable, devient le " mauvais objet " par excellence pour l’élite cultivée. Désormais les " créateurs " auront à cœur de se distinguer en innovant dans le registre formel, prenant ainsi leurs distances avec un rapport naïf à la culture.
Flaubert écrit avec Madame Bovary le manifeste du modernisme, en sublimant par son écriture les aventures triviales d’une femme qui incarne les valeurs aliénées de la culture de masse. On se souvient du goût d'Emma Bovary pour ce que nous appellerions aujourd'hui les "romans de gare" où " ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames persécutées s'évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu'on tue à tous les relais, chevaux qu'on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes, et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas, toujours bien mis et qui pleurent comme des urnes (Flaubert, 1966: 71). " Cette description ironique fait penser, mutantis mutandi, au cinéma populaire, en particulier aux genres destinés au public féminin, mélodrames et comédies sentimentales, ou women's films américains. C’est par la forme de son écriture que Flaubert met à distance la culture de masse de son époque mais aussi par le regard de dérision qu’il porte sur la culture de masse dont se nourrit Emma.
Reprenant le flambeau de Louis Delluc, Les Cahiers du cinéma au début des années 1950 s’inscrivent dans la même tradition culturelle. S’ils valorisent certains aspects du cinéma hollywoodien, c’est en mettant l'accent sur les aspects les plus abstraits de leur mise en scène, leur "écriture", sans s'attacher aucunement au contexte socioculturel dans lequel ils ont été produits et consommés, ni à ce dont parlent ces films. Le formalisme comme approche cultivée du cinéma permet aussi de passer sous silence, de ne pas "voir" tout ce qui relève de la référentialité des films, en particulier la construction des identités de sexe et des rapports entre les sexes, qui sont le sujet central de la plupart des films de fiction.
On comprend mieux dans ce contexte pourquoi les études filmiques en France, largement tributaires de la tradition cinéphilique, tardent à intégrer une approche qui est devenue basique, sinon banale dans les universités anglo-américaines, les gender studies.
On pourrait proposer la périphrase suivante pour traduire ce concept : "étude des rapports et des identités de sexe en tant qu'ils sont construits socialement" : gender ne peut être traduit directement par "sexe", qui en français renvoie au biologique, au génital ou à l'érotique, non plus que par "genre", surtout dans les études filmiques où cela crée une confusion avec le sens habituel de ce mot, qui a d’ailleurs été repris tel quel par les anglo-américains, pour désigner un groupe d'œuvres ayant des traits communs. Nous pourrions donc pour l'instant, faute de mieux, leur renvoyer la politesse en adoptant le terme de gender, pour parler d'un concept sur lequel ils ont accumulé un travail théorique impressionnant depuis une trentaine d'années, souvent d’ailleurs à partir de travaux philosophiques, sociologiques et psychanalytiques produits en France (voir bibliographie).
Le terme d'études féministes (women’s studies ou feminist studies) me paraît doublement restrictif, d'une part parce qu'il limite ce courant à sa dimension militante qui doit être dépassée pour prétendre à une légitimité scientifique, d'autre part parce qu'il fait l'impasse sur le fait que la dimension sexuée de la culture est par définition double, masculine et féminine. Cette approche a donc vocation à intéresser les chercheurs des deux sexes, ce qui est souvent le cas aujourd'hui dans les universités britanniques et américaines, même si historiquement, les femmes ont été pionnières en la matière.
Si les gender studies ont droit de cité aujourd'hui chez nos voisins d’Outre Manche et d’Outre Atlantique, dans tous les champs disciplinaires, y compris dans les sciences, le cinéma a constitué dès les années soixante-dix un objet privilégié pour ce type d'approche. D'une part les films de fiction tant au niveau des représentations, des constructions narratives que du dispositif spectatoriel, se sont dès les débuts du cinéma narratif, construits dans une dimension sexuée liée aux désirs et aux pulsions que le cinéma met en jeu. Mais loin d'être un simple reflet des rapports entre les sexes dans la société qui le produit, le cinéma de fiction a été, en particulier à Hollywood, un puissant instrument de domination sociale et sexuelle, en même temps qu'il travaillait les contradictions engendrées par ces rapports et leur évolution.
Il est donc logique que les mouvements féministes des années 1960 et 1970 aient pris pour objet privilégié de leurs investigations critiques ce champ de la production culturelle, d'autant plus que son public très large et souvent majoritairement féminin lui donnait un poids particulier dans la construction sociale des identités. L'origine "politique" de cette discipline académique explique en partie les difficultés persistantes à sa reconnaissance. En particulier en France où l’université continue à entretenir et à transmettre la fiction d’une "haute culture" où le génie créateur échappe aux déterminations de sexe et de classe. De même que le suffrage "universel" (masculin) a longtemps recouvert dans nos livres d’histoire l’exclusion des femmes du droit de vote, l’absence des femmes dans la tradition littéraire et artistique française est restée longtemps invisible. C’est en effet dans ces disciplines que la question du "genre" reste tabou en France, comme si la prise en compte de la dimension sexuée des créations culturelles portait atteinte à leur valeur universelle en rendant visible leur inscription dans les rapports de pouvoir entre les sexes.
Sans sous-estimer la dimension politique de cette résistance de la part d’universitaires masculins (il est toujours difficile de renoncer à une position dominante, surtout si elle est vécue comme légitime), il faut constater que l’idée d’une " singularité française " – pour reprendre l’expression de Mona Ozouf (Ozouf, 1995) – dans les rapports entre les sexes est largement partagée par les élites cultivées en France. Singularité d’une mixité de la vie sociale agrémentée par des rapports de séduction, qui nous permettrait de faire l’économie d’une "guerre des sexes" à l’américaine, particulièrement dommageable pour l’élite cultivée quand elle entraîne une remise en cause des hiérarchies culturelles. La résistance aux gender studies en général et aux sexual politics en particulier (l’étude des rapports de pouvoir entre les sexes) trouve donc ses racines en France dans une histoire des idées où se mêlent inextricablement le politique et le culturel.
Dès 1975, la théoricienne britannique Laura Mulvey (1989) ouvrait la voie à une critique du cinéma hollywoodien comme instrument de la domination patriarcale, à travers l'analyse des codes du cinéma narratif classique. A partir des concepts de fétichisme et de voyeurisme dans leur acception freudienne, Mulvey analysait le cinéma dominant comme un dispositif construit sur et par un regard masculin – celui de la caméra, relayé par celui des personnages masculins dans la fiction – transformant le corps féminin en objet morcelé. Cette instance de regard masculine auquel tout-e spectateur/trice est tenu-e de s'identifier, condamne le public féminin à une sorte de schizophrénie, dans un cinéma qui dénie aux personnages féminins la place de sujet du désir, du savoir ou du pouvoir.
Cet article inaugural, au-delà de prises de position forcément schématiques qui ont été abondamment discutées et nuancées depuis, y compris par leur auteure, présentait l'intérêt de ne pas s'en tenir à l'analyse des représentations mais de poser la question du dispositif sémiotique et narratif du cinéma hollywoodien dominant.
C'est dans une perspective analogue que se place Raymond Bellour (1979) quand il articule sémiologie et psychanalyse dans l’analyse de quelques grands films de Hitchcock (La Mort aux trousses, Les Oiseaux, Marnie), pour montrer que le schéma dominant du cinéma hollywoodien met en scène le trajet œdipien d'un héros masculin qui accède à la socialisation en faisant l’expérience que le corps de la femme est le signifiant du manque et de la castration.
Quelques années plus tard Tania Modleski (1988) semble lui répondre : à travers l’analyse détaillée de sept œuvres phares de la longue carrière du maître du suspense – Chantage, Meurtre, Rébecca, Les Enchaînés, Fenêtre sur cour, Vertigo et Frenzy – elle repère l’expression (limitée) dans ces films d’un désir spécifiquement féminin, le récit d’une trajectoire œdipienne féminine. Ni misogyne, ni féministe, Hitchcock, selon Modelski, nous amène à nous identifier aux protagonistes des deux sexes dans ses films, pour explorer les difficultés de la construction sociale et psychologique des identités masculine et féminine.
A côté de cette relecture sexuée des auteurs consacrés par la cinéphilie, d’autres travaux ont rendu visibles l’œuvre des réalisatrices trop rares et que les histoires du cinéma ont systématiquement négligées. Dans cette optique, Sandy Flitterman-Lewis (1996) articule approches historique, sémiologique et psychanalytique pour examiner l'œuvre de trois cinéastes françaises qui participèrent à trois moments forts de la construction du cinéma français comme une alternative au modèle hollywoodien dominant : Germaine Dulac dans les années vingt, Marie Epstein dans les années trente, Agnès Varda dans les années soixante.
Germaine Dulac, théoricienne et cinéaste de la "première avant-garde" des années vingt, avec Delluc, Epstein, Gance, L'Herbier, décrit dans La Souriante Madame Beudet (1922) l'existence d'une femme au foyer de milieu bourgeois qui cherche à se libérer en laissant libre cours à son imagination. L'intrigue sert de prétexte pour explorer les méandres d'une subjectivité féminine, dont les fantasmes sont figurés sur un mode parodique et poétique.
Marie Epstein, soeur et collaboratrice du théoricien et cinéaste Jean Epstein (elle fut souvent sa scénariste), a réalisé avec Jean Benoît-Lévy (qui en est le seul crédité dans les dictionnaires et histoires du cinéma) trois films muets et huit films parlants avant-guerre. La Maternelle (1934), avec Madeleine Renaud, d'après le roman de Léon Frappié, se focalise sur la petite Marie, abandonnée par sa mère, une prostituée, et qui reporte son amour sur Rose, l'aide maternelle de l'école. Quand la petite fille se sent menacée par le projet de mariage de la jeune femme, elle tente de se suicider. La réconciliation finale est permise par l'acceptation par Marie du mariage de Rose. Le film construit le processus d'identification du spectateur à partir du point de vue de la petite fille et de son amour pour cette mère de substitution. La cinéaste met en scène le traumatisme de la scène primitive d'un point de vue féminin, prenant à contre-pied la trajectoire œdipienne et masculine du cinéma narratif dominant.
Enfin, Flitterman propose une lecture très complexe de l'œuvre d'Agnès Varda, "mère de la Nouvelle Vague". Cléo de 5 à 7 (1963) suit l'itinéraire d'une chanteuse de variétés qui, à la faveur d'une crise personnelle (elle craint d'avoir un cancer), va passer du statut d'objet du regard à celui de sujet. Varda s'interroge sur la façon dont le cinéma a transformé les femmes en images.
Avec Sans toit ni loi (1986), la cinéaste déconstruit les mythes romantiques (masculins) de la liberté et de la femme mystérieuse. A travers le récit des derniers jours de la vie d'une jeune femme retrouvée morte dans un fossé, Agnès Varda trace "le portrait impossible" de Mona (Sandrine Bonnaire) dont le manque d'ancrage social est articulée à son absence d'image d'elle-même, et l'amène à l'autodestruction. Selon Flitterman, ce film, en refusant de transformer le personnage et le corps féminin en objet sexuel, prend à contre-pied le cinéma dominant.
A côté des monographies de cinéastes, les gender studies ont exploré les genres cinématographiques qui se sont construits à Hollywood sur une logique fortement sexuée. Le film noir américain des années quarante et cinquante, par exemple, a été étudié sous l’angle des images de femme qu’il a proposées : personnage central d'un genre masculin, la femme fatale du film noir a souvent un rôle actif de sujet désirant que le film va s'employer à contrôler ou à détruire, non sans avoir suscité paradoxalement l'identification du spectateur, à cause de la force du personnage et du rayonnement des stars qui l'incarnent. Sa sexualité active la rend à la fois fascinante et terrifiante pour les protagonistes masculins (Kaplan, 1978).
D’autres travaux ont analysé les héros masculins des films noirs, souvent masochistes et paranoïaques, comme l'expression d'une crise de l'identité masculine dans la société américaine de l’après-guerre (Krutnik, 1991).
La question du mode d'identification spécifique des spectatrices face à des films majoritairement construits par et pour un regard masculin et/ou patriarcal a fait l'objet de nombreuses études, tant à partir de la psychanalyse que de textes filmiques particuliers, ou d'enquêtes sociologiques. Elles montrent en général l'extrême diversité de la réception des films en fonction de l'inscription socioculturelle des spectatrices, et l'extrême mobilité de leur place par rapport au texte filmique, mobilité à la fois construite par les textes et par la situation concrète de chaque spectatrice.
Ce type de recherche, issue des cultural studies, pose le problème de l’inscription sociale des productions culturelles. Le sens d’une œuvre varie selon le contexte socioculturel de réception, mais aussi selon l’identité sexuée des spectateurs. Le travail du chercheur consiste alors à faire émerger les ambivalences et les contradictions des films qui jouent d’une façon plus ou moins complexe avec les différents publics auxquels ils sont destinés. Ce courant a permis de réévaluer la culture populaire destinée aux femmes, en montrant les différents modes de construction de l'identité socio-sexuée face aux modèles proposés par les films.
Jackie Stacey (1994) par exemple, explore la mémoire des spectatrices britanniques des années 1940 et 1950 pour comprendre la place et la fonction des stars féminines hollywoodiennes, à partir des magazines populaires de cinéma de l'époque et des lettres des lectrices. Se plaçant dans une perspective résolument historique, tout en utilisant une approche psychanalytique ainsi que les acquis des cultural studies, Stacey analyse les fantasmes de séduction féminine des femmes britanniques de la classe moyenne blanche pendant et après la dernière guerre. Elle étudie les raisons qui poussent ces femmes à fréquenter les cinémas, et les spécificités de cette pratique culturelle, à l'intérieur et à l'extérieur des salles obscures. Elle explore ensuite le lien entre les images de stars sur l'écran, la construction de l'identité des spectatrices et leurs habitudes de consommation. Dans quelle mesure les stars incitent les spectatrices à consommer, et à devenir elles-mêmes des objets de consommation pour autrui ?
Dans les quinze dernières années, accompagnant un vaste mouvement social de reconnaissance de l'existence et des droits des "minorités sexuelles", en particulier aux États-Unis, de nombreux travaux sont publiés sur le "sous-texte" gay et lesbien du cinéma classique, sur la réception des films en fonction de l'orientation sexuelle des spectateurs/trices, sur les œuvres produites à partir d'un regard homosexuel, masculin ou féminin.
Le travail monumental de Edward B. Turk (1989) sur l'œuvre de Marcel Carné est un modèle en la matière, en particulier dans sa capacité à articuler l’approche gender avec les dimensions historico-culturelles des films et avec leur réception. Ce spécialiste de littérature française renouvelle complètement l’étude de films aussi célèbres que Le Quai des brumes (1938), Le Jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942) et Les Enfants du paradis (1945) en utilisant les concepts psychanalytiques d’androgynie, de masochisme, de fétichisme et de scène primitive pour mieux comprendre l’univers de Carné. Il explore les expressions masquées de l’homosexualité du cinéaste et en montre l’étendue et l’impact. Il éclaire le rôle de l'orientation sexuelle du cinéaste dans la construction de son imaginaire, et les convergences entre homosexualité et critique de la masculinité patriarcale.
Aujourd'hui, le lecteur/la lectrice désireux/se de se faire une idée de ces nouvelles orientations de recherche risque d'éprouver un sentiment d'accablement face au nombre et à la diversité (et souvent aussi à la difficulté théorique) des publications anglo-américaines dans ces domaines, d'autant plus que les études sur la télévision s'y développent aussi de façon exponentielle. Face au caractère indubitablement exotique que comportent pour des intellectuels français ces derniers développements, la tentation est grande d'attribuer l'ensemble de ces orientations de recherche, sans autre forme de procès, aux spécificités culturelles anglo-saxonnes ou aux "dérives communautaristes" américaines.
Une meilleure connaissance de ces orientations de recherche en France passe d’abord par des échanges internationaux et interdisciplinaires. Peut-être y a-t-il là une occasion stimulante de remettre en cause les cloisonnements disciplinaires et l’esprit de clocher. Cela implique aussi un travail de traduction pour mettre à la disposition des chercheurs et des étudiants quelques uns des ouvrages les plus importants produits depuis vingt-cinq ans dans ce domaine. C'est sans doute aujourd'hui l'obstacle le plus urgent à lever. Un numéro de la revue Cinémaction dirigé par Bérénice Reynaud et Ginette Vincendeau en 1993, ainsi qu'un ouvrage de Noël Burch Revoir Hollywood, édité la même année, proposent au public francophone la traduction de quelques textes importants des gender studies anglo-américaines. Un numéro récent de la revue Champs Audiovisuels coordonné par Laurence Allard et Noël Burch, poursuit ce travail indispensable de traduction. Je dirige moi-même une toute nouvelle collection chez L’Harmattan " Champs visuels étrangers ", dédiée aux traductions d’ouvrages anglophones sur les gender et les cultural studies dans le domaine du cinéma et de l’audio-visuel, dont les deux premiers volumes sont le "Hitchcock" de Modleski et le "Carné" de Turk.
Mais les chercheurs français peuvent aussi, sans attendre que soit accompli ce travail de traduction toujours forcément en retard sur la production des idées, reprendre à leur compte ces approches, dans des termes qui correspondent à nos spécificités culturelles, pour ouvrir des chantiers nouveaux dans l'étude du cinéma français. C’est ce que j’ai tenté de faire en 1996 avec Noël Burch, dans La Drôle de guerre des sexes du cinéma français 1930-1956. L'étude systématique d’un corpus filmique très large (80% de la production fictionnelle pour les années d’Occupation) nous a permis de repérer des schémas dominants dans les représentations des rapports et des identités de sexe. Mais la rupture brutale que nous avons constaté en 1940 puis en 1945, suggère que les histoires que racontent les films s'articulent plus fortement qu'on ne le pense habituellement à la grande Histoire. Non pas sur le mode du reflet, mais plutôt comme un imaginaire collectif, à une époque où toutes les classes sociales vont au cinéma et où les films, produits de façon collective, s'adressent à tous les publics, sans segmentation culturelle institutionnalisée (l’art et essai n’existe pas encore).
En effet, le schéma narratif dominant du cinéma français des années 1930, tous genres confondus, met en scène un homme d'âge mûr, incarnation du patriarcat traditionnel, qui domine une très jeune femme, en suscitant la connivence chez Pagnol ou Guitry, ou sur un mode critique chez Carné, Grémillon ou Renoir.
La défaite et l'occupation allemande vont faire basculer ces représentations vers une multitude de figures féminines actives et autonomes qui prennent en main le destin de la communauté, en lieu et place d'un patriarcat défaillant, indigne ou dérisoire, mais là aussi sur deux modes contradictoires : à côté des films consensuels et conservateurs comme Vénus aveugle (Gance, 1940) ou Le Voile bleu (Stelli, 1942), les films critiques sont nombreux et remarquables, comme Les Visiteurs du soir (Carné, 1942), Douce (Autant-Lara, 1943), Le Ciel est à vous (Grémillon, 1944), Falbalas (Becker, 1944-1945).
La Libération marque une seconde rupture, avec l'apparition massive de "garces malfaisantes" qui s'acharnent sur des hommes victimisés, comme si, face aux changements symbolisés par la participation des femmes à la Résistance, puis leur accession au droit de vote en 1945, les peurs masculines s'exprimaient par la diabolisation des femmes autonomes, comme dans Panique (Duvivier, 1946) ou Manèges (Y. Allégret, 1949) ; mais dans le même temps, un courant minoritaire de films souvent remarquables, explore avec lucidité les rapports de domination patriarcale, en montrant à la fois leur caractère oppressif pour les femmes et aliénant pour les hommes : Casque d’or (Becker, 1948), La Vérité sur Bébé Donge (Decoin, 1952), Les Grandes Manœuvres (Clair, 1954), L’Amour d’une femme (Grémillon, 1954).
Cette période, marquée par une expression violemment conflictuelle des rapports hommes/femmes, semble se clore avec l'émergence d'une nouvelle image de féminité, celle que propose Et Dieu créa la femme de R.Vadim en 1956, en donnant naissance au mythe B.B. qui associe l'émancipation des femmes à la seule sexualité.
Au delà de l’analyse des représentations filmiques du "genre" sur une période donnée, l’intérêt d’une telle recherche est d’en faire apparaître le caractère collectif et historiquement déterminé, et le lien organique des "chefs-d’œuvre" avec cet imaginaire collectif, ce que la cinéphilie a tendance à oublier.
L’articulation entre culture d’élite et culture de masse et l’inscription historique des représentations du "genre" au cinéma sont encore au centre d’un numéro de la revue Iris (1998) que j’ai dirigé et auquel sont associés des chercheurs des deux côtés de la Manche et de l'Atlantique.
Quelques étudiant-e-s courageux/ses et pionnier-e-s ont déjà soutenu leur thèse dans une perspective gender : sur la reconstruction de la masculinité dans le cinéma de la guerre du Vietnam (Meininger, 1999) ; sur cinq stars féminines déclarées "poisons du box office" à la fin des années 30 à Hollywood (Dhommée, 2000).
Ces approches socioculturelles ont l’intérêt d’aborder le cinéma à partir de l’expérience qu’en font les spectateurs ordinaires que nous sommes aussi, mais c’est sans doute cela qui fait problème dans le champ académique français. En effet le cinéma a construit sa légitimité universitaire dans une démarche inverse, qui a privilégié les approches esthétiques les plus formalistes, de façon à transformer ce divertissement populaire en objet de la culture d’élite universelle (masculine).
Et je conclurai sur un dernier paradoxe : si les études filmiques en France résistent des quatre fers à la contamination anglo-américaine des gender studies, c’est en même temps le pays où depuis quelques décennies des femmes, grâce à un système d’aides publiques unique au monde, parviennent à réaliser des films dont le nombre et la qualité n’a aucun équivalent dans les pays anglophones. Espérons qu’il y a là une dynamique propre à faire sauter quelques verrous…
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Notice biographique :
Geneviève Sellier, MCF en cinématographiques, habilitée à diriger des recherches à l’Université de Caen .Publications récentes :
La Drôle de guerre des sexes du cinéma français (1930-1956), en collaboration avec Noël Burch, préface de Michelle Perrot, collection "Fac Cinéma", éditions Nathan, 400 pages, 1996.
- Iris , (revue franco-américaine de théorie de l'image et du son) :
"Gender Studies, Cultural Studies et études filmiques" (dir.), n° 26, Paris/Iowa City, automne 1998.
- L’Exclusion des femmes, masculinité et politique dans la culture au XXe siècle , co-dir. Odile Krakovitch, coll. Histoire culturelle, Bruxelles, éditions Complexe, 2001.
- Femmes de pouvoir, mythes et fantasmes, co-dir. avec Odile Krakovitch et Eliane Viennot, coll. Bibliothèque du féminisme, Paris, L’Harmattan, 2001.