labrys,
études féministes/ estudos feministas
Qu´est-ce
que les études féministes ?
« Né
de la révolte des femmes à l’égard des normes et des conditions qui président
à leur destin personnel et à leur confinement dans la sphère privée, le
mouvement féministe contemporain est rapidement devenu, au cours des années
soixante-dix, un projet intellectuel et politique pour penser et agir
le Nous femmes, annoncé par la parution du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir en 1949 et rendu possible à imaginer
à la suite des premières grandes mobilisations collectives des années
soixante. Pratiques
de résistance, les visées de changement du mouvement des femmes ont rapidement
mené militantes et intellectuelles à vouloir appréhender autrement la
dynamique sexuée des rapports sociaux, à démystifier une tradition intellectuelle
et scientifique qui était parvenue jusque-là à les exclure de ses lieux
de production, et à poser, suivant en cela la proposition de Ti-Grace
Atkinson, le travail de théorisation comme acte militant[1].
Dans
cette optique, les études féministes poursuivront une démarche intellectuelle
concertée, bien que par ailleurs éclatée, pour venir à bout des présupposés
androcentristes des savoirs dominants, échapper à la rigidité de leurs
propositions normatives, se soustraire à l’enfermement de la pensée binaire
et statique du féminin et du masculin et mettre en évidence, là où ils
étaient invisibles ou occultés, les processus sexués à l’œuvre dans la
structuration du social et des connaissances.
Résultat de “négociations complexes”,
mouvantes et continues, entre, d’une part, l’impérieuse nécessité théorique
d’interpeller, du point de vue des femmes, un savoir dominant construit
à peu près exclusivement à partir de l’expérience et des représentations
des hommes et, d’autre part, la non moins impérieuse nécessité d’engager,
d’alimenter des luttes politiques et le militantisme au quotidien, les
études féministes s’énoncent, depuis leur émergence, à travers de multiples
voix, de multiples lieux de production et évoluent en diverses directions.
Elles sont tour à tour critiques épistémologiques des biais sexistes du
savoir et de sa prétendue neutralité; réfutations des modèles théoriques
dominants proposés pour penser et dire les femmes et leur vie; interrogations
sur la condition des femmes et leur position dans l’histoire; écritures
littéraires pour échapper à l’enfermement et à l’ex-clusion du langage
androcentriste; réflexions politiques engagées en faveur d’un idéal de
démocratie et de transformation des institutions sociales qui ont légitimé
et reconduit, au fil du temps, la construction sociale et culturelle des
sexes. Les
études féministes sont également, et plus spécifiquement, démarches sociologiques
pour constituer les femmes en catégorie sociale et poser le sexe/genre
comme catégorie critique d’analyse, de même que méthodologies pour déconstruire
les représentations et les mécanismes re-constitutifs de la division sociale
des sexes et des autres systèmes de domination.
Partie intégrante d’un mouvement
social majeur et de ses enjeux, les études féministes contribuent ainsi
au renouvellement des savoirs, à l’instauration de l’incertitude face
à la prétendue objectivité des sciences instituées, à la transformation
des pratiques et à la formulation d’une vision autre de la société». Francine
Descarries [1] Ti-Grace Atkinson, “Le nationalisme féminin”, Nouvelles questions féministes, nos 6-7, 1984, p. 35-54.
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études féministes/ estudos feministas
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