Labrys
études féministes
aoûtr/décembret 2004

Qu´est-ce que les études féministes ?  

« Né de la révolte des femmes à l’égard des normes et des conditions qui président à leur destin personnel et à leur confinement dans la sphère privée, le mouvement féministe contemporain est rapidement devenu, au cours des années soixante-dix, un projet intellectuel et politique pour penser et agir le Nous femmes, annoncé par la parution du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir en 1949 et rendu possible à imaginer à la suite des premières grandes mobilisations collectives des années soixante.

Pratiques de résistance, les visées de changement du mouvement des femmes ont rapidement mené militantes et intellectuelles à vouloir appréhender autrement la dynamique sexuée des rapports sociaux, à démystifier une tradition intellectuelle et scientifique qui était parvenue jusque-là à les exclure de ses lieux de production, et à poser, suivant en cela la proposition de Ti-Grace Atkinson, le travail de théorisation comme acte militant[1].

Dans cette optique, les études féministes poursuivront une démarche intellectuelle concertée, bien que par ailleurs éclatée, pour venir à bout des présupposés androcentristes des savoirs dominants, échapper à la rigidité de leurs propositions normatives, se soustraire à l’enfermement de la pensée binaire et statique du féminin et du masculin et mettre en évidence, là où ils étaient invisibles ou occultés, les processus sexués à l’œuvre dans la structuration du social et des connaissances.

            Résultat de “négociations complexes”, mouvantes et continues, entre, d’une part, l’impérieuse nécessité théorique d’interpeller, du point de vue des femmes, un savoir dominant construit à peu près exclusivement à partir de l’expérience et des représentations des hommes et, d’autre part, la non moins impérieuse nécessité d’engager, d’alimenter des luttes politiques et le militantisme au quotidien, les études féministes s’énoncent, depuis leur émergence, à travers de multiples voix, de multiples lieux de production et évoluent en diverses directions. Elles sont tour à tour critiques épistémologiques des biais sexistes du savoir et de sa prétendue neutralité; réfutations des modèles théoriques dominants proposés pour penser et dire les femmes et leur vie; interrogations sur la condition des femmes et leur position dans l’histoire; écritures littéraires pour échapper à l’enfermement et à l’ex-clusion du langage androcentriste; réflexions politiques engagées en faveur d’un idéal de démocratie et de transformation des institutions sociales qui ont légitimé et reconduit, au fil du temps, la construction sociale et culturelle des sexes.

Les études féministes sont également, et plus spécifiquement, démarches sociologiques pour constituer les femmes en catégorie sociale et poser le sexe/genre comme catégorie critique d’analyse, de même que méthodologies pour déconstruire les représentations et les mécanismes re-constitutifs de la division sociale des sexes et des autres systèmes de domination. 

            Partie intégrante d’un mouvement social majeur et de ses enjeux, les études féministes contribuent ainsi au renouvellement des savoirs, à l’instauration de l’incertitude face à la prétendue objectivité des sciences instituées, à la transformation des pratiques et à la formulation d’une vision autre de la société».

Francine Descarries



[1]  Ti-Grace Atkinson, “Le nationalisme féminin”, Nouvelles questions féministes, nos 6-7, 1984, p. 35-54.

Labrys
estudos feministas
agosto / dezembroulho 2004