labrys,études féministes numéro spécial, septembre 2003
Éditorial Monique Wittig nous a quittées le 2 janvier 2003. Que peut- on dire sur quelqu'une , sa vie, ses émotions, ses désirs, ses attaches, sans les réduire à quelques mots, dans une cartographie forcément, constitutivement lacunaire? Que peut-on dire sur Monique Wittig ? L'âge, lieu de naissance, détails certes significatifs pour cerner son lieu de parole, mais quelle importance puisque sa place, comme les nôtres, ne sont que changement? Monique Wittig, jeune féministe française dans les années 1970, a marqué par sa réflexion les instances des théorisations féministes, que ce soit par son analyse percutante sur les mécanismes producteurs des "femmes"- le contrat hétérossexuel"- identifiant les préssuposés de la "pensée straight" , ou bine par sa proposition d'une place de refus et de contestation, une place qui excede les limites du cadre de pensée dans lequel elle se trouve, pour mieux le dépasser - la lesbienne. Son oeuvre littéraire est un composant de cette réflexion qui approfondit certainement ses analyses par le biais du langage poétique, libérée de l'expression formelle et académique, ouvrant les ailes qui la mènent au dessus des labyrinthites de la "pensée straight", des couloirs sans fin dont nous toutes cherchons les issues. De la France aux États Unis, c'est dans l'Ouest encore sauvage du Texas qu'elle elle vit l'aventure de l'émigration, du dépaysement, là où l'emmènent ses attaches, ses liens. Dans le désert américain? « Autrefois terre aride, étendue de sable. Actuellement tout endroit qui n´est pas habité par des lesbiennes. D´où l´expression :’ aller dans le désert’ », dit- elle. Cherchait-elle la place des amantes ou la place de parole critique, qui excède les limites de la "pensée straight"? Peut-être les deux… Chacune d'entre nous reçoit l'impact de ses mots à sa manière, chacune d'entre nous élabore ses propos dans les conditions qui sont les nôtres, selon nos propres stratégies et selon notre désir de dépassement. Ce numéro spécial Labrys, études féministes, est un hommage à Monique Wittig, un mélange d'analyses académiques, souvenirs, témoignages ou tout à la fois. Nous voulons divulguer son nom, sa réflexion, car pour la "pensée straight" qui construit nos corps, le langage, les images, la réalité elle-même et également pour certains féminismes, Monique Wittig a été trop dérangeante, trop menaçante pour avoir sa place parmi les noms de référence. tania navarro swain
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