labrys, études
féministes/ estudos feministas
Évolution du féminisme en arts visuels : regard croisé entre le Québec et le monde anglo-saxon Ève Lamoureux
Dans cet article, l’auteur explore l’évolution de la pratique artistique féministe en arts visuels et de sa théorisation. Une attention particulière est portée sur la situation spécifique de cet art au Québec, mais celle-ci est analysée en relation avec celle ayant cours dans le monde anglo-saxon. La naissance de l’art féministe, le mode organisationnel des artistes femmes, la description des pratiques et leur évolution sont les principaux thèmes abordés. Mots clés :Féminisme,
art, artistes femmes, historique, Québec, monde anglo-saxon
L’art féministe a contribué, dès son origine, à transformer profondément le champ de l’art et les conceptions esthétiques en vigueur. Il a concouru à changer les mentalités en liant étroitement l’art à des considérations d’ordre social et politique, en proposant des œuvres d’artistes femmes décidées à prendre le contrôle de leur représentation et à exposer, de façon pluraliste, leurs personnalités, leurs compréhensions de monde, leurs contributions à la société, leurs désirs, leurs rêves, leurs aspirations et leurs revendications. Cette aventure perdure depuis plus d’une quarantaine d’années. Les productions se sont modifiées ainsi que les aspirations des artistes féministes, évoluant au gré de certains acquis et de mutations dans la pensée et la lutte féministe, dans les conceptions de l’art et dans la manière dont se structurent et s’orchestrent les luttes sociopolitiques. C’est donc à un survol de cette évolution de l’art féministe et de sa théorisation que nous vous convions, en accordant une attention spéciale à la spécificité du contexte québécois. Seront ainsi examinés : la naissance de l’art féministe, le mode organisationnel des artistes femmes, la description de cet art et son évolution. Plusieurs exemples d’œuvres seront exposés. 1. Naissance de l’art féministe et mode organisationnel L’art féministe apparaît, d’abord, dans le monde anglo-saxon au cours des années 1960, aux États-Unis dans la foulée des luttes pour les droits civiques et dans les contestations contre la guerre du Vietnam, puis en Angleterre. Dans ces deux pays, une partie fortement politisée des artistes entretient des liens étroits avec divers mouvements de contestation et s’est regroupée, notamment, dans la Art Workers’s Coalition (New York) et dans L’Artist’Union (Londres). Dès 1969, les artistes féministes américaines quittent leur regroupement pour fonder la Women Artists in Revolution (WAR), jugeant que leurs préoccupations et leurs revendications ne sont pas écoutées. Leurs consoeurs britanniques fondront, en 1972, la Women’s Workshop. Ces artistes féministes partagent la conviction qu’elles sont victimes de discrimination et d’exclusion (Cottingham, 1998), écrivent des manifestes et organisent des manifestations devant les grands musées. Très rapidement, elles créent des liens avec les féministes du monde académique et amorcent une réflexion théorique très importante. Aux Etats-Unis, de véritables « écoles » d’art féministe font leur apparition : à New York, la coopérative artistique de femmes AIR (Artists in Residence) est fondée en 1972 et présente des expositions et des conférences, alors qu’en Californie, sous l’impulsion, notamment, de Judy Chicago et de Miriam Chapiro, est créé, en 1971, le premier programme d’études féministes en art (le Feminist Art Program du California Institute of the Arts). L’art féministe québécois, lui, ne prend son envol qu’au début des années 1970. Il ne sera jamais aussi structuré : pas de regroupement officiel, pas de mouvement identifié, pas d’œuvres « porte-paroles ». Les liens sont aussi moins étroits avec le mouvement social féministe. Ce qui n’empêche pas que, surtout dans les années 1970 et au début des années 1980, il y ait une proximité certaine entre plusieurs œuvres et les revendications du mouvement, et qu’il y ait des moments de rencontres, comme lorsque les bannières, Les chevalières des temps modernes, de Lise Landry et Marie Décarie, sont utilisées dans les manifestations du 8 mars (1980 et 1981). Les liens sont aussi assez ténus entre l’art féministe et la théorisation universitaire féministe, même si certaines intellectuelles, presque exclusivement du milieu de l’art, participent comme commissaires, rédigent des textes dans les catalogues et analysent attentivement l’art des femmes et son évolution (Rose-Marie Arbour, Marie Carani, Francine Couture, Thérèse St-Gelais, etc.). Même si, dans les années 1970, la même revendication d’être comptées en tant qu’artistes qualifiées et incluses dans le milieu de l’art anime les artistes féministes québécoises, le contexte est un peu différent que dans le monde anglo-saxon. Comme l’analyse Arbour (1993, 1999b), les femmes très présentes dans le mouvement automatiste et postautomatiste ont obtenu, entre 1955 et 1965, une reconnaissance institutionnelle et populaire importante et surprenante : Lise Gervais, Marcelle Maltais, Laure Major, Rita Letendre, Marcelle Ferron et d’autres. Dans l’abstraction gestuelle en peinture, « […] il y a eu coïncidence entre l’élan libérateur des automatistes et l’aspiration des femmes artistes à une autonomie et à une liberté créatrice, tant sur le plan social et collectif que sur le plan individuel et artistique (Arbour, 1993 : 25). Certaines artistes femmes ont eu des carrières prolifiques. Elles ont été louangées et soutenues par le milieu de l’art et par les gouvernements. Malheureusement, cette situation ne perdure pas. Au milieu des années 1960, au moment où le plasticisme prend le devant sur la scène de l’art contemporain, les artistes femmes recommencent à faire les frais d’un discours critique machiste qui fonctionne selon le code binaire masculinité/féminité, raison/émotion, dureté/mollesse. Ainsi, au moment où la question féministe émerge dans les arts visuels, la peinture et la sculpture sont encore considérées comme « Arts majeurs » et les qualités valorisées sont la force et le contrôle (qualités dites viriles), les défauts dévalorisés la mollesse, la facilité, la fonction décorative (défauts dits féminins) (Arbour, 1993 : 40). Dans un tel contexte d’exclusion des femmes du milieu de l’art et de dénigrement de leur talent, couplé au fait qu’il n’y a pas de regroupement et de lieu spécifique aux artistes qui s’identifient clairement au féminisme, l’art des artistes femmes, pendant une quinzaine d’années, sera abondamment observé, présenté, analysé sous la lorgnette du genre. Les artistes femmes partent à l’assaut du monde de l’art et contribuent significativement à modifier les conceptions formelles et esthétiques. Pour ce faire, elles créent, en 1973, la galerie Powerhouse (qui deviendra la Centrale quelques années plus tard) et le Réseau Art/femmes qui, en 1982, sous l’impulsion de Diane-Jocelyne Côté, organise des événements à Chicoutimi, Québec, Sherbrooke et Montréal. Ces lieux deviennent, pour des femmes qui, majoritairement, travaillent seules, des foyers de rassemblement, d’échange. Ils contribuent à la reconnaissance de leur art par l’organisation d’expositions, de conférences et par la production de catalogues et de livres. De plus, de multiples expositions collectives d’artistes femmes seront organisées et joueront un rôle décisif, du moins jusqu’aux années 1990. Selon Arbour, plus d’une quinzaine d’expositions importantes auront lieu (Arbour, 2004 : 26) comme Art-Femme (1975), Art et féminisme (1982), Féministe toi-même, féministe quand même (1984), Instabili : la question du sujet (1990). Ces dernières ne regroupent pas que des œuvres d’artistes féministes, mais les femmes participantes considèrent que leur sexe est un facteur de différenciation discriminatoire dans la société et dans l’art contemporain. Elles exigent que leur travail soit reconnu à sa juste valeur et combattent les critères en vigueur dans le milieu de l’art. Plusieurs des commissaires affirment, dans les années 1970 et au début des années 1980, une spécificité dans la pratique des artistes femmes et dans leurs œuvres. Cette idée, quoique moins présente, est encore d’actualité. Dans l’introduction du catalogue de l’exposition Beyond Feminism : Des artistes femmes qui travaillent autour de l’iconographie féminine (2006 : 2), la commissaire, Sarah McKutcheon Greiche, affirme ainsi : « Il m’est alors clairement apparu que les femmes artistes créent une œuvre aux qualités aussi définies que spécifiques : un travail qui porte un message fondamentalement féminin et un caractère universel ». Le désir de rejoindre un public le plus diversité possible est présent. Au départ, les organisatrices ont aussi l’objectif d’ouvrir le plus largement possible aux femmes les expositions. Un « salon des refusées » est d’ailleurs organisé lors de l’exposition Art-Femme (1975). Cette volonté s’est tranquillement affaiblie, les commissaires étant confrontées à un certain paradoxe : comment faire valoir la qualité des œuvres des artistes femmes dans un contexte où les critères de sélection n’étaient pas stricts, liés à l’excellence ? Il est important de préciser qu’après 1990 ― et encore aujourd’hui ―, des expositions collectives de femmes sont organisées au Québec, comme en témoignent, notamment, Trans●mission (La Centrale, 1996) et Beyond Feminism : Des artistes femmes qui travaillent autour de l’iconographie féminine (Parisian Laundry, 2006). Ces dernières, par contre, ne jouent plus un rôle aussi essentiel que dans la période précédente, quoiqu’elles parviennent encore à faire découvrir les jeunes artistes femmes. 2. Description générale de l’art féministe Tout le monde s’attend pour dire que la principale caractéristique de l’art féministe est son hétérogénéité, présente autant dans les médiums, les styles, les stratégies adoptés que dans les thèmes abordés et la représentation, symbolisation des femmes proposées. C'est pourquoi il vaut mieux parler des féminismes. Reprenant la définition proposée par Lucy R. Lippard, Phelan explique que l’art féministe n’est pas un mouvement, mais bien un « système de valeurs », une « démarche révolutionnaire » et un « mode de vie » (Lippart, 1980 : 362 repris dans Phelan, 2005 : 20). Le caractère hétérogène de cet art n’empêche pas de dégager certaines caractéristiques générales qui ont été ― et qui sont encore pour certaines ― très présentes. Ainsi, l’art féministe, et plus largement l’art des artistes femmes, dans les années 1970, s’est construit à l’encontre du modernisme tel qu’il a été défini par Greenberg (dans le prolongement de la pratique de Jackson Pollock) et en contestation des critères du milieu de l’art. L’art formaliste « orthodoxe », selon lequel l’art est une sphère d’activité autonome fonctionnant selon une logique intrinsèque au développement formel et esthétique des œuvres, de façon autotélique, a été déboulonné. Les artistes femmes ont combiné étroitement innovation formelle et teneur critique. Elles ont réintégré, dans les œuvres, le contenu, le sens, l’expérience sociale. La production et l’évaluation des œuvres pouvaient comprendre des valeurs extraformalistes. La pratique de l’art ne devait plus être dissociée de la position sociale de l’artiste, de son expérience, de son vécu : « […] l’identité de l’artiste a alors été prise comme paramètre structurant de l’œuvre d’art et de l’histoire de l’art » (Arbour, 1999b : 139). Les contenus explorés par les artistes femmes ont été intimistes : leur réalité souvent quotidienne (domestique, sexuelle, familiale, amicale, en lien avec la nature) ainsi que les structures sociales, économiques, politiques, culturelles, artistiques qui conditionnaient cette réalité. L’idée féministe que le privé est politique a été largement explorée par l’art des femmes ainsi que toutes les questions identitaires liées à la « féminité ». Le style autobiographique a été extrêmement présent. Les artistes femmes se sont attaquées aux valeurs artistiques et aux processus homologués de fabrication des œuvres. Elles n’étaient d’ailleurs pas les seules, prenant part et contribuant à des mouvements alors en essor : le Pop art, l’art conceptuel, le minimalisme, le Body art, les Happenings, le Land-art, etc. Elles refusaient les hiérarchies instaurées entre le « high art » et le « low art », le genre élitiste et le genre populaire. La performance, les installations, la photographie, la vidéo ainsi que les pratiques multidisciplinaires ont ainsi pris de plus en plus d’importance, acquis une meilleure reconnaissance aux côtés des médiums plus traditionnels telles la peinture et la sculpture. Les artistes femmes ont bouleversé la production de l’art en utilisant des matériaux et des techniques associés à leur travail traditionnel (tissage, broderie, patchwork, etc.), en créant aussi avec des matériaux usuels considérés comme vulgaires (produits de beauté, tampons, sous-vêtements, etc.). Elles s’en sont aussi prises à l’image romantique de l’Artiste de génie, être singulier d’exception, en explorant les créations collectives et en réfutant les présupposés fortement sexués de celui-ci : « courage, vigueur, recours à la raison » en tant que caractéristiques masculines, « imagination, sensibilité et lien privilégié avec la Nature » en tant que caractéristiques féminines (Dumont, Sofio, 2007 : 18). Comme l’explique ces auteures, « Dans cette association symbolique “extra-ordinaire” qui conduit le “féminin” à n’être valorisé qu’en tant que complément d’un “masculin” préexistant, s’incarne progressivement la figure de l’artiste moderne, détaché du reste de l’humanité » (Dumont, Sofio, 2007 : 18). En outre, la posture avant-gardiste moderne avec sa valorisation à tout prix de la nouveauté est rejetée : « Le fait de croire que l’on pouvait changer (changer le monde) était sous-entendu. Pour changer, pourtant, il fallait tenir compte du passé, et non l’ignorer en passant, d’un bond du côté de la nouveauté » (Phelan, 2005 : 30). Un immense travail à la fois théorique et de production artistique a été entrepris pour faire connaître les créations d’artistes femmes oubliées ou non reconnues, pour s’approprier aussi des techniques, des méthodes et des matériaux utilisés traditionnellement par des femmes et qui ont été, historiquement, exclus de l’art. Enfin, dès le début de l’art féministe ― et cette question est toujours d’actualité ―, un des enjeux fondamentaux a été celui de la représentation des femmes où plutôt l’idée que les femmes devaient prendre le contrôle de leur mise en image. Le défi des femmes, comme l’affirme Gauthier (2004 : 32) est de cesser d’être « […] de simples objets de représentation idéalisés par les hommes ». Tout un jeu s’est fait avec le genre classique du nu. Les œuvres intimistes des photographes féminins ont aussi joué un rôle important : « En s’appropriant l’appareil et en portant un regard sur elles-mêmes ou sur les autres femmes, certaines femmes photographes font basculer la notion de femme-objet, dépendante du regard de l’autre. Alors qu’elles étaient auparavant celles dont “ils” parlaient, objets de questionnement, objets de désir ou objets de domination, en se mettant en position d’énonciation, elles se constituent sujets » (Gagnon, 1990 : 57). Il en est de même pour la performance. Comme l’explique Lamoureux (1982 : 63), celle-ci permettait aux femmes de sortir du rôle de figuration, de devenir sujets et personnes agissantes. La photographie et la vidéo vont aussi s’avérer surtout, à partir des années 1980, des médiums très efficaces pour effectuer une critique radicale de la représentation. En devenant maîtres de leur représentation, les femmes artistes ont pu mettre de l’avant leurs réalités (et non une version idéalisée), insister, en opposition à une vision univoque de la Femme, sur la pluralité des expériences, opinions, désirs, et lutter contre la représentation sexiste des femmes. 3. Évolution de l’art féministe Il est essentiel de rappeler ici que l’art féministe a toujours été extrêmement hétérogène. En ce sens la théorisation produite sur son évolution est nécessairement réductrice, axée sur de grandes tendances et privilégiant une certaine lecture, une certaine compréhension des œuvres. C'est pourquoi nous proposons ici de comprendre, dans un premier temps, ce qui a été retenu comme éléments centraux des diverses périodes de l’art féministe, puis, dans un deuxième temps, de présenter certaines œuvres importantes, sans tenter de les « figer » selon les concepts propres à l’analyse. Plusieurs théoriciennes de l’art féministe actuelles (dont Sofio, Yavuz et Molinier, 2007; Reckitt, 2005) divisent l’histoire de cet art en trois vagues théoriques ― qui ne sont pas clairement délimitées et qui se superposent. Sofio et Dumont les définissent ainsi (2007 : 33) : […] Celle [la phase] des années 1970 cherchait à valoriser les expériences particulières des femmes, celle des années 1980 a plutôt travaillé à la déconstruction des présupposés théoriques et des images, et enfin celle des années 1990 ― qui se prolonge aujourd’hui dans le courant queer notamment ― entérine l’idée de multiculturalisme et cherche à agir sur des points précis de cette identité multiple. 3.1 Les années 1970 Les années 1970 voient la naissance de la théorisation féministe de l’art, d’abord, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. L’essai de Linda Nochlin (1971), « Why Have There Been no Great Women Artists ? », en symbolise le début. Trois axes principaux sont explorés (Dumont et Sofio, 2007 : 29) : […] l’utilisation du concept de genre dans l’analyse des trajectoires et des œuvres d’artistes (femmes ou hommes, du passé ou du présent); la déconstruction des présupposés d’une discipline ― l’histoire de l’art ― qu’il convient de refonder; un renouveau de la théorisation esthétique fondée sur les pratiques des plasticiennes féministes. En terme d’analyse générale des œuvres, cette première phase est considérée comme politique, passionnée, mettant au cœur de la pratique artistique et de l’analyse l’exploration du corps féminin. Dans le monde anglo-saxon, deux grandes approches s’affrontent. La première, dite art féminin, s’ancre dans l’exploration de la différence, souvent biologique, des femmes et tend à un certain « culte du féminin ». A posteriori, cette approche sera qualifiée d’essentialiste, soit, « […] un ensemble de recherches sur le rapport entre le corps féminin et la subjectivité, […] [animé par] la volonté de saisir le sens de l’être dans un corps de femme, politiquement, esthétiquement, psychanalytiquement, historiquement » (Phelan, 2005 : 36). La deuxième tendance, dite constructiviste, tend plutôt à critiquer la féminité, puisque construite par la société patriarcale. Les deux seront délaissées dans la deuxième phase de l’art féministe, mais pour des raisons différentes : la première sera fortement contestée et même dénigrée, alors que la deuxième prendra une voie beaucoup plus théorique que militante. L’école américaine californienne, avec notamment Judy Chicago et Miriam Shapiro, devient vite emblématique de l’art féminin puisqu’elle défend ─ comme plusieurs artistes féministes de cette période ─ l’existence d’une iconographie féminine au cœur de l’art des femmes. Cette singularité sera explorée par la « […] représentation récurrente d’un orifice central [faisant] office de métaphore du corps féminin » (Dumont et Sofio, 2007 : 27). Judy Chicago affirmait ainsi : « Le vagin : ce qui a fait ce que je suis » (Phelan, 2005 : 37). L’œuvre la plus mondialement connue, non seulement de cette école, mais de l’ensemble de l’art féministe, est The Dinner Party (1974-1979)[1] de Judy Chicago. Elle a fait sensation et semé la controverse dans le monde de l’art, dans la société et dans les mouvements féministes. Sculpture monumentale, cette œuvre imposante a nécessité la collaboration de près de 400 personnes pendant les 5 années de sa production. Elle célèbre l’apport historiquement ignoré des femmes dans la culture occidentale. Prenant la forme d’une table triangulaire de festin, 39 couverts sont disposés, représentant des femmes signifiantes ou des figures féminines mythiques. 999 autres noms sont inscrits, en lettres d’or, sur les tuiles au sol au centre du dispositif. L’iconographie vaginale adoptée, l’artiste parlait de « papillons », notamment dans la constitution des assiettes, ne passe pas inaperçue ! Dans les années 1980, The Dinner Party va devenir le point nodal des attaques à l’encontre de l’art féminin, de son essentialisme. Certaines souligneront aussi le caractère « kitsch » de cette sculpture monumentale et, surtout, remettront en cause la certaine exploitation par Chicago des femmes et des hommes ayant travaillé avec elle, alors qu’elle signe seule l’œuvre et acquiert toute la reconnaissance. Le travail collectif en art soulève plusieurs questions éthiques auxquelles les artistes féministes n’échappent pas. Les débats faisant rage dans le monde anglo-saxon suscitent des échos au Québec. Les théoriciennes de l’art féministe, par contre, insistent plus sur l’hétérogénéité de la production des artistes femmes et sur la dimension politique de leur art (qu’elles soient féministes ou pas) en raison du contexte de leur marginalisation au sein du milieu de l’art, que sur des différences de tendances. Cela dit, dans le catalogue de l’exposition Art et féminisme, Saint-Gelais (1982 : 151-152) reprend la distinction « art féminin » et « art féministe » : un art de représentation de l’expérience biologique et sociale féminine versus un art politique axé sur des revendications de changement et dont le « discours » est plus clairement perceptible. Arbour, quant à elle, adopte une terminologie un peu différente, préférant faire une démarcation entre la « dissidence » et la « différence » : La dissidence fait qu’une personne ou un groupe d’individus cesse de se soumettre à une autorité établie pour s’en séparer radicalement.[…] [La différence] se vit en terme de distinction plutôt que de rupture. La différence ne questionne pas les cadres institutionnels de l’art contemporain ni de la société. Elle vise ici un effet esthétique qui fait pressentir des domaines de l’intime et de la subjectivité dans un contexte de vie quotidienne. » (Arbour, 1999b : 123 et 133). L’année 1982 est cruciale pour l’art féministe québécois : plusieurs expositions dans quelques villes de la province avec le Réseau Art/femmes, la semaine de vidéo féministe au Cinéma Parallèle, le succès retentissant de l’exposition Art et féminisme au Musée d’art contemporain de Montréal et la publication du catalogue, qui permet de faire le point sur plus de dix de travail des artistes femmes. Comme le montre clairement les analyses de Gourlay (2002), cette année marque aussi, d’une part, le point culminant de la réflexion québécoise entre l’art féminin et l’art féministe, puisque sont présentées simultanément The Dinner Party de Judy Chicago et La Chambre nuptiale de Francine Larivée, et, d’autre part, un moment charnière où, dans certains textes du catalogue de l’exposition, est annoncé les principes structurants la deuxième vague du féminisme en art. La Chambre nuptiale[2] de Francine Larivée est un environnement imposant, de facture clairement militante, remettant fortement en cause les stéréotypes liés à la féminité et à la masculinité, ainsi que l’artificialité des rôles et des fonctions des hommes et des femmes à l’intérieur du couple et de la famille traditionnels. L’artiste a été, entre autres, inspirée du film de Mireille Dansereau, J’me marie, j’me marie pas (1972), dans lequel elle a participé. Sont aussi écorchés au passage le symbolisme religieux et la société de consommation. Yolande Dupuis (2005 : web) décrit l’œuvre : Elle mesurait 13 mètres de diamètre et 6.5 mètres de haut et se composait essentiellement de trois salles. La première salle, "Les catacombes", formait un anneau autour de "La chambre chapelle", dans lequel on pénétrait pour circuler à travers un défilé d’une centaine de sculptures de personnages grandeur nature illustrant les blocages dans les relations interpersonnelles des individus.On débouchait ensuite sur la deuxième salle, la "Chambre chapelle", salle circulaire voûtée, tapissée de satin capitonné avec peintures intégrées représentant le quotidien de l’homme et de la femme, selon les stéréotypes nord-américains de l’époque : l’autel de la femme, l’autel de l’homme et l’autel du couple. Au centre de la pièce, une mariée inanimée étendue sur un lit-tombeau et, au-dessus, la couche nuptiale avec des mariés automates en action, célébrant leur nuit de noces. Des éclairages et des musiques avaient été conçus spécifiquement pour chaque partie de l’oeuvre.Puis cette chambre se convertissait en salle de projection, la troisième salle, pour montrer un film d’animation portant sur l’autonomie de chacun des membres de la famille, père, mère et enfant. Cette œuvre étant animée par un souci de pédagogie et de participation, les spectateurs sont accompagnés pendant leur périple par divers acteurs sociaux qui en profitent pour discuter avec eux. Créée grâce à la participation de plus de 75 personnes (regroupées dans le Groupe de recherche et d’action sociale par l’art et les médias de communication, GRASAM) et à la collaboration d’une centaine d’organismes communautaires, qui alimentent l’artiste avec des données sur la condition des femmes et des couples, cette œuvre est exposée, pour une première fois, en 1976 lors de l’ouverture du centre commercial du Complexe Desjardins. Elle sera exposée dans plusieurs lieux publics et commerciaux avant d’être intégrée dans le champ de l’art en 1982. Le groupe Mauve (Catherine Boisvert, Ghislaine Boyer, Céline Isabelle, Thérèse Isabelle, Lise Landry et Lucie Ménard), lors de l’inauguration de l’exposition Montréal plus ou moins, au Musée des Beaux-arts, en 1972, réalisent un coup d’éclat en gravissant, revêtues en robe de mariée, les marches extérieures d’un musée afin d’épousseter les colonnes du parvis. Elles rédigent, ensuite, un manifeste, sur la représentation des femmes dans la société et organisent, dans des centres d’achats, des parodies mimées de concours de beauté. En peinture, dessin et photographie, plusieurs artistes femmes introduisent des éléments subjectifs et autobiographiques dans leurs œuvres, explorant leur intimité. Betty Goodwin[3] en est un très bon exemple avec ses séries Les vestes (années 1970) et Les nageurs (années 80). Raymonde April[4] et Sorel Cohen[5] sont de celles qui contribuent à transformer la tradition photographique en créant des autoportraits, des photos de leurs proches et de leur quotidien. Elles s’approprient le droit de se représenter et de représenter leur environnement. Le groupe Plessisgraphe[6] (Marik Boudreau, Suzanne Girard et Camille Maheu) parcourra plusieurs régions du Québec, puis d’autres pays, afin de photographier des femmes variées, prises dans leur quotidien, souvent dans des contextes qui ne cadrent pas avec les stéréotypes. Ces artistes proposent une critique des rôles sexués dans la société, mais aussi au sein de l’histoire de l’art. Elles s’en prennent à la représentation classique de la femme proposée par les artistes masculins. Les femmes développent aussi un style proprement féminin dans la sculpture environnementale, en proposant un art organique, archétype de la Terre-mère. D’autres s’intéressent aux manifestations culturelles non reconnues officiellement, comme Lise Nantel, Louise de Grosbois et Raymonde Lamothe avec leur « art des patenteux ». Enfin, Lise Nantel et Marie Décary créent des bannières, Les chevalières des temps modernes[7], rappelant le balai des sorcières, en utilisant les matériaux et les techniques propres au travail traditionnel des femmes (tissage, couture, courtepointe). Décary et Nantel (1982 : p. 88) écrivent à leur propos : Tranquillement au fils des ans, nous sommes passées de la courtepointe à la bannière-manifeste. Issu de celui d’une longue lignée de femmes, notre travail est quotidien et nos outils sont ceux dont se sont inlassablement servies nos mères et nos sœurs pour ponctuer la grisaille des jours. Nous sommes sorties des maisons vers la rue en même temps que les autres avec nos « couvertes » sous le bras, tentant de raconter l’histoire invisible des femmes. 3.2 Les années 1980 L’art dit essentialiste va être critiqué rapidement. Dès 1973, Cindy Nemser publie un article dans lequel elle qualifie les œuvres de Chicago et Shapiro de « cunt art » et leur reproche de réduire l’art des femmes au biologique. En 1981, deux historiennes de l’art, Rozsika Parker et Griselda Pollock, reprennent certaines critiques exprimées antérieurement, comme la logique fétichiste des corps présente dans beaucoup d’œuvres d’artistes féministes. Elles résument le malaise grandissant, particulièrement, envers les expériences de représentation érotique, violente ou métaphorique du corps. Cette représentation peut très facilement être récupérée par la culture masculine. Ce livre symbolise le moment, selon la théorie féministe en art, où le poststructuraliste devient le nouveau paradigme dominant. Plusieurs deviennent extrêmement critiques, voir, parfois, méprisantes à l’égard des œuvres essentialistes des années 1970. Comme l’explique Arbour (1999a : 38), il fallait, à partir de ce moment, créer une rupture radicale avec « […] la croyance en une nature féminine essentialiste pour se tourner vers une féminité produite par les représentations sociales, les usages culturels et les conventions ». Une deuxième critique prend aussi de l’ampleur, au début des années 1980. Elle provient des femmes non blanches et des lesbiennes qui contestent, d’une part, que le féminisme soit largement défini par une classe moyenne blanche et hétérosexuelle et, d’autre part, que le modèle féministe dominant soit celui libéral. En 1981, la publication du livre, This Bridge called my back : Writting by radical Women of Colors (sous la direction de Moraga et Anzaldúa), suscitent de nombreux débats. La question de la sexualité acceptable pour le féminisme (notamment les questions de la pornographie et de la pratique sadomasochiste) fait aussi couler beaucoup d’encre. Cette 2e vague est fortement influencée par le poststructuralisme, la psychanalyse et la théorie dite du « subalterne ». Elle met de l’avant moins la dimension politique du féminisme que son développement théorique. Ce qui est exploré, selon la conception lacanienne de la différence, c’est le rapport entre le sexe, l’identité culturelle et la représentation. Puisque la « féminitude » est en elle-même une construction sociale, dotée d’une forme propre de représentation dans le système patriarcal, cette représentation est à la base de l’oppression des femmes. Il faut donc, pour critiquer l’ordre établi, déconstruire cette représentation, dénoncer les significations culturelles sous-jacentes. Ainsi, se développe une vision de l’art féministe qui envisage la spécificité de l’oppression des femmes dans une perspective culturelle. La question devient alors : « […] the way that knowledge and culture are gendered so as to exclude women » (Gourlay, 202 : 184). En outre, il faut sortir de toute opposition binaire, intrinsèquement porteuse de hiérarchie, si l’on souhaite bâtir une culture qui n’est ni sexiste, ni discriminante : homme/femme, hétérosexuel/homosexuel, blanche/non-blanche. Cette conception « déconstructive » et « analytique » du féminisme aura une influence considérable sur l’art des artistes femmes au Québec. Gourley (2002) est celle qui a analysé le plus en profondeur cette question dans sa thèse de doctorat. Elle montre ainsi que, dès 1982, dans les textes du catalogue de l’exposition Art et féminisme, cette conception est mise de l’avant. Juste le thème de l’exposition de la Centrale, en 1990, Instabiliti : la question du sujet, en dit long, sur l’évolution de l’art féministe dans les années subséquentes. Fraser résume ainsi le processus (1990 : 9) : « […] les femmes ont élaboré des stratégies pour re-penser le langage, le politique et les codes de représentation; elles ont aussi réfléchi sur la notion de sujet ». Si Gourley (2002) insiste sur l’influence de la psychanalyse pour comprendre le changement de paradigme, elle s’attarde aussi beaucoup sur l’attraction grandissante du postmodernisme dans les arts visuels. C’est, selon elle, les transformations opérées par celui-ci qui finissent par déterminer les critères d’un art féministe acceptable au Québec : « […] definitions of postmodernism in art were being used to create a distinction between different kinds of feminist practices with their attendant modes of reading (Gourley, 2002 : 200). L’art essentialiste sera écarté, mais aussi l’art, féministe ou autre, porteur d’un discours militant. Ce qui devient fondamental dans l’art, ce n’est pas l’œuvre en elle-même, mais les conditions de production et de monstration qui font de cette œuvre une œuvre d’art. Comme l’affirme Gourlay (2002 : 199) : « In this way social contexte re-entered the domain of art, not as the "other of art", what was outside of art, wich art represented, but as the very condition of possibility of art ». L’oeuvre d’art détient donc son sens propre, mais le contexte de sa perception et de sa réception a rendu instable et mouvant ce sens. Ainsi, le lieu de présentation de l’œuvre devient constitutif de l’œuvre en elle-même, cette dernière ne se réalise que dans et par l’exposition, l’installation, la présentation. L’art s’interroge sur son propre fonctionnement, sur ses modes de fabrication d’images. L’art questionne le lien entre la réalité et la représentation. Ce que le postmodernisme et le poststructuraliste engendrent c’est une critique de la représentation vue non pas comme transparente à la réalité, mais comme ce qui constitue cette réalité : « Nous sommes ce que nous devenons à travers et par les représentations que nous nous faisons de nous-mêmes et du monde, et cette relation est en continuelle mouvance » (Arbour, 1999a : 38). La perception de l’artiste et celle du spectateur sont donc déterminées historiquement. Il n’y a pas de réalité absolue (ni vrai, ni faux, ni beau). L’art postmoderne est aussi un art de l’hybridité et de l’impureté qui rend difficile la transmission d’un message unique, la possibilité d’une lecture univoque de l’œuvre : « cet art se situe en dehors des traditions et peut présenter, déployer des formes hybrides, juxtaposer des images qui parfois s’excluent mutuellement […] » (Beaudry, 1993 : 22). En se positionnant comme sujet de leur art, les femmes ont mis au cœur de leurs pratiques la question de leur identité. Par contre, elles ont aussi mis en évidence les mécanismes de la construction des identités dans et par la représentation, et donc contribué à une critique déconstructive de l’identité. L’art féministe prendra donc cette tangente, celle qui vise à élaborer des œuvres rendant compte de la variabilité culturelle, historique et politique des identités, soit l’éclatement de la notion d’identité. Cette définition du féminisme proposée par Ross (1990 : 19), dans le catalogue d’Instabiliti : la question du sujet, le confirme : « En cela, l’ailleurs est le sujet que le féminin engendre, un espace social et discursif qui prend prise au niveau de la subjectivité et de la représentation de soi et qui fissure l’espace des discours officiels qui constituaient le sujet dans sa différence sexuelle, socio-économique, raciale, éthique et autre ». Le travail de Nicole Jolicoeur[8], dans les années 1980, s’inscrit complètement dans la critique féministe de la représentation. Elle interroge la mise en image de l’identité féminine, les notions de savoir, de neutralité et d’objectivité, ainsi que le dit pouvoir de refléter la réalité associée à la peinture réaliste, à la photographie et à la vidéo. Elle travaille, pendant plusieurs années, à partir du même corpus d’images, celles présentes dans le livre Les Démoniaques dans l’art (Charcot, 1887) pour créer des installations (photos et dessins) et un livre d’artiste[9]. Ce corpus provient de l’histoire de la peinture européenne du 16e au 19e siècle. Il a été utilisé par Charcot, neurologue français, pour représenter les traits de l’hystérie, maladie qu’il considérait comme spécifiquement féminine. En déconstruisant ces images et en montrant toutes les interventions possibles de l’artiste (choix du sujet, cadrage, lieu et temps d’exposition, dispositif de monstration, etc.), Jolicoeur discrédite non seulement les thèses de Charcot, mais remet en question la représentation des femmes et conteste l’apparence d’objectivité de toute représentation. L’évolution de certaines femmes photographes rend compte du processus de complexification identitaire à l’œuvre et de la difficulté, voire de l’impossibilité, de la représentation dans un tel contexte. Les artistes Geneviève Cadieux[10] (Hear Me With yours Eyes, 1989), Sorel Cohen[11] (After Bacon/Muybridge : couple figures/Whizzer Leg Toss, 1980, An Extended and Continuous Metaphore #6, 1983) et Nicole Jolicoeur[12] (Déprises II, 1999) approfondissent leur exploration de la représentation autobiographique et intimiste, mais en jouant de plus en plus avec les reflets et l’imprécision des images (le flou). Comme l’explique Ross (1990 : 20), grâce à ces stratégies : « […] la limite qui scissure et inscrit la différence gagne en fluidité, incite à l’écart, amorce l’interstice ». Entre 1982 et 1994, Lise Lapointe et Martha Fleming produisent six projets d’art public à Montréal (Projet Building/Caserne # 14, 1982/1983; Le Musée des sciences, 1983/1984; La Donna Delinquenta, 1984/1987), mais aussi à New York et à Sao Paolo. Elles invertissent alors, de façon éphémère, des édifices désaffectés, porteurs d’une histoire significative et inscrits dans la trame urbaine. Le lieu lui-même fait l’objet de l’intervention des artistes : « C’est faire parler l’édifice qui constitue en partie le projet créateur de Fleming et Lapointe, le faire parler par les différentes voies possibles considérant que le travail réalisé n’assurera qu’une vie éphémère au bâtiment (nettoyage, mise en valeur, détournement de fonction) » (Arbour, 1998/1999 : web). Les artistes s’adressent d’abord au public local, même si des milliers de visiteurs découvrent les lieux. Comme elles l’expriment elles-mêmes, plusieurs dimensions sont explorées : « Ces projets éphémères que nous concevons pour des sites abandonnés sont un hybride d’archéologie architecturale, de théorie sociale, de recherches théoriques, d’histoire populaire, d’investigation métaphysique et d’art visuel contemporain » (Gilles Godmer, Réal Lussier, 1992 : 5). 3.3 À partir des années 1990 La 3e vague du féminisme en art, du moins telle qu’est analysée dans le monde anglo-saxon (Reckitt, 2005) et en France (Sofio, Yavuz, Molinier, 2007) est une vague hybride, complexe, dans laquelle se mêlent une critique de la complexité théorique des années 1980, un désir de revenir à de possibles luttes féministes, un approfondissement de la pensée poststructuraliste, notamment grâce à la pensée querr, et une exploration, par l’art, des traumatismes engendrés par les guerres et génocides du 20e siècle. Les questions éthiques supplantent celles politiques. Le côté très théorique, un peu abscons, de la pensée et de l’art féministe des années 1980 est questionné par la nouvelle génération. Cette dernière reprend contact avec les œuvres féministes des années 1970, est stimulée par son aspect plus revendicateur et propose une interprétation quelque peu différente du dit essentialisme à tout crin dont auraient fait preuve certaines artistes femmes. Dumont et Safio (2007 : 34) expliquent ainsi les principales critiques : La génération suivante a critiqué le postmodernisme comme un outil patriarcal, car cette déconstruction de l’identité femme conduit non seulement à l’impossibilité de représenter la vie réelle des femmes, au refus de la séduction, et à l’exécution d’œuvres désincarnées, mais aussi, en poussant cette logique jusqu’au bout, à une interdiction de l’activisme féministe. Est ainsi en jeux la difficulté de regrouper des femmes non seulement plurielles dans leurs appartenances culturelle, sexuelle et de classe, mais aussi à l’identité kaléidoscopique et mouvante. Quelle peut-être dans un tel contexte une identité de ralliement ? Comment peut s’articuler une analyse féministe qui tient compte à la fois de la complexification des processus identitaires et de la présence d’un mode de domination (hétéro)sexuelle, raciale, et de classe ? Certaines (comme Fuss, 1989) vont relativiser la critique de l’essentialisme, argumentant que celui-ci, utilisé de façon stratégie, est essentiel aux luttes, entre autres, féministes. D’autres, comme Lamoureux (2006), vont contribuer à réarticuler une compréhension du développement identitaire dans sa composante politique. Elle affirme ainsi que s’il n’est pas complètement faux d’affirmer que les individus de la modernité se caractérisent par des identités choisies et non assignées, il n’en reste pas moins que les inégalités structurelles de la société affectent cette potentialité. Les identités sociales sont à la fois choisies et construites, certaines étant quasi inéluctables (lieu de naissance, couleur de peau, milieu social d’origine, etc.). Les identités se déclinent à la fois en fonction des rapports sociaux de domination qui assignent des places sociales et en fonction des efforts de reconstruction identitaire qui accompagnent les luttes exigeant une recomposition des rapports sociaux. Dans le prolongement du poststructuralisme, entre autres avec le cyberféminisme et la théorie querr en art, l’exploration de la complexité identitaire et du dépassement de soi va se poursuivre, mais en permettant un retour de la représentation, de l’image et de l’exploration du corps : « […] nous sommes parvenues à un maelström de spécificités et de multiculturalités qui cherchent de nouveaux moyens d’agir en empruntant ses stratégies et ses outils aux décennies passées » (Dumont, Safio, 2007 : 36). Les différences sexuelles et raciales peuvent donc toujours être explorées sans dichotomie binaire, mais aussi toutes les hybridations que permettent de fantasmer (de façon positive ou négative) le développement de la science et des technologies. « Dans les années 1990, un regain d’intérêt pour le corps sexué source d’inspiration artistique ― non plus objet fétiche du regard masculin mais sujet d’un vaste champ de recherches ― s’est manifesté : on avait pris conscience de la “perversité polymorphe” du corps comme de son destin “cybernétique” (Reckitt, 2005 : 156). Le plaisir, la mascarade, la parodie sont au cœur de plusieurs œuvres (comme celles utilisant les fictions identitaires ou les transformations concrètes du corps, notamment, avec l’usage de la chirurgie plastique). Au sujet du corps féminin, dans les années 1990, plusieurs artistes femmes établies vont aussi aborder les questions de la maladie, de la dégradation des corps, du vieillissement et du deuil. L’art de facture plus politique ou plus militant subit un certain regain, même si celui-ci reste très minoritaire. Le féminisme, dans ce contexte, se combine à d’autres projets politiques et théoriques : la lutte contre le sida a mobilisé plusieurs artistes ― soudant d’ailleurs les femmes hétérosexuelles et homosexuelles, les gais et les gens de couleur ―, mais aussi les luttes contre l’exclusion, la marginalisation et la pauvreté. Enfin, plus particulièrement à partir de la fin de la décennie, plusieurs artistes femmes vont être influencées par les théories postcolonialistes et les trauma studies. La douleur engendrée par les guerres, les génocides, les déplacements de population ainsi que ses répercussions à la fois psychiques et culturelles vont être explorées. La vision du corps, ici, sera celle du « corps déchu, lieu de sévices, de maladie, de traumatisme, le corps-poubelle » (Phelan, 2005 : 24). En outre, le témoignage, conçu comme langage performatif, est perçu, par certains, comme une responsabilité éthique. Stephan (2005 : 45) explicite ainsi le rôle particulier de l’art face à la douleur du traumatisme : « […] l’art serait un moyen d’en pénétrer le secret, puisqu’il ne repose pas seulement sur le langage rationnel, sur la narration linéaire ou sur la croyance naïve en la thérapie ». En outre, « la créativité est au centre de toute théorie de la survie ». Peu d’analyses propres à une 3e vague existent au Québec. Dans le catalogue de l’exposition de la Centrale, en 1996, le constat sur la pratique féministe en art ne s’écarte aucunement de celui présent au début de la décennie. Ce qui est mis de l’avant est le refus de tout archétype modélisant : « Le féminin dans ces histoires symbolise la transgression des interdits et l’abolition des frontières dans la fusion perpétuelle des opposées » (Major, 1996 : 19). Une distance claire est prise par rapport à la « radicalité » du féminisme des années 1970. Le féminisme mis de l’avant est présenté comme « intégré, personnel, individualisé » (Racine : 1996 :10). Arbour (1996, 2004) constate aussi l’absence de « l’utopie de la liberté », présente dans la première phase du féminisme, et son passage vers ce qu’elle appelle une « aspiration à la survie » (1996 : 14), le mouvement social féministe et les artistes femmes devant composer avec le désengagement de l’État dans les programmes sociaux et dans la culture. Seule la commissaire de l’exposition Beyond Feminism : Des femmes artistes qui travaillent autour de l’iconographie féminine (2006 : 3), Sarah McKutcheon Greiche annonce un possible retour en force du féminisme en art. Elle se base sur l’organisation de sa propre exposition, mais aussi sur celles américaines, planifiées pour 2007 : Work! Art and the Feminist Revolution au Moca à Los Angeles et Global Feminisms à Brooklin. Bien peu d’éléments, par contre, viennent corroborer, par la suite, cette analyse. À partir de la fin des années 1990 ― et c’est d’ailleurs manifeste dans le titre de l’exposition de 1998, Trans●mission ―, à La Centrale, lieu le plus important en arts visuels d’exploration de l’art des artistes femmes au Québec, le thème de l’échange intergénérationnel entre féministes de tous âges est, depuis 10 ans, au premier plan (Racine, 1996; Stephan, 2004). La Centrale explore aussi les besoins et les désirs des jeunes artistes par rapport à des lieux de production consacrés exclusivement à l’art des femmes et interroge leur conception du féminisme (Stephan, 2004). Une rétrospective du travail d’Irene F. Whittome, Bio-fictions, a été présentée au Musée du Québec en 2000, reprenant plusieurs œuvres (dont les séries Conjonctio et le Bestiaire) de cette artiste multidisciplinaire (estampe, gravure, collage, photographie, installation, etc.). La re-production est au cœur de son exploration, abordée à la fois d’un point de vue formel et social. Son œuvre questionne, de multiples façons, la transformation du vivant, et les transgressions et les hybridations rendues possibles par la génétique et l’informatique. Theresa Sapergia[13] explore, dans certaines de ses œuvres, la figuration du corps, en remettant en questions les procédés historiques de la représentation des femmes. Dans son œuvre, Adaptation[14], présentée à l’exposition Beyond Feminism : Des femmes artistes qui travaillent autour de l’iconographie féminine (2006), elle propose un dessin dans lequel une personne est représentée sous la forme hybride mi-chèvre, mi-jeune femme. Renouvelant l’iconographie de Pan, elle remplace la flûte par un godemiché rose maintenu par un harnais (Viau, 2006 : Web). « Elle reconnaît que le corps est de nature éphémère, changeant d’identité entre le physique et le métaphysique. L’animalité du corps le situe sur la frontière entre l’ordinaire et le magique » (Lynn Beavis, 2006 : web). Dominique Blain travaille, depuis de nombreuses années, sur la question des relations de pouvoir, de la domination et des guerres. Son œuvre, Japan Apologizes[15] (1993), est constituée d’une robe traditionnelle thaïlandaise majestueuse, mais dont l’intérieur est tapissé, à l’étampe, de ces deux mots, tirés du titre d’un article de journal. Au début des années 1990, le Japon s’excusait aux Thaïlandais pour le viol systématique des femmes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les Fermières obsédées[16] (Catherine Plaisance, Annie Baillargeon et Eugénie Cliche) présentent, depuis quelques années, des performances de groupe dont plusieurs se déroulent avec des gestes très codifiés et des uniformes typiques du cliché de la féminité (perruque, jupe et talon haut). Ayant choisi leur nom en hommage au Cercle des Fermières, regroupement d’aide aux femmes, elles s’en prennent, notamment, au culte de la beauté avec ses stéréotypes. Catherine Plaisance explique ainsi l’intention performative du groupe qui favorise « l’insolite » : « Nous voulons inciter les gens à ne jamais tenir le monde pour acquis mais plutôt le questionner, le “r’virer d’bord” tant du point de vue esthétique et identitaire que social » (Plaisance, 2009 : web). Plusieurs femmes artistes adoptent aussi des pratiques multiples extérieures à la galerie et visant à provoquer la communication avec les passants, questionnant ainsi la distinction espace privé/espace public. Les performances publiques de Neumark[17] (S(us)taining, 1996; The Art of conversation, 2000) et Cotton[18] (séries Mon corps, mon atelier, 2000 et Ton corps, mon atelier, 2004) sont, en ce sens, extrêmement intéressantes. Enfin, plusieurs artistes choisissent d’investir certaines communautés, généralement marginalisées ou inaudibles, pour créer, en collaboration avec les membres, des œuvres. Le projet de Raphëlle de Groot[19] (2000), Plus que parfaites : Chroniques du travail en maison privée 1920-2000, va dans ce sens. En collaboration avec le Centre d’histoire de Montréal et l’Association des aides familiales du Québec (AAFQ), l’artiste mène une véritable enquête historique pour débusquer les traces de l’histoire invisible des aides familiales du Québec. S’inspirant d’archives (trop peu nombreuses), mais aussi du témoignage d’aides familiales passées et présentes, De Groot présente une exposition dans laquelle sont mises à contribution les femmes rencontrées (extraits des entrevues, photographies et vidéo des femmes auxquelles l’artiste a demandé de reconstituer de petites scènes de leur quotidien). Elle organise aussi, en collaboration avec ces femmes une journée d’intervention colorée visant à souligner le 25e anniversaire de l’AAFQ. Dans une action symbolique, des aides familiales portent des poupées, créées de leurs mains et à leur effigie, au seuil de maisons dans lesquelles leurs consoeurs avaient travaillé. Elles visent ainsi à marquer leur présence actuelle et passée dans la ville de Montréal. Enfin, un livre a été écrit par De Groot, en collaboration avec une sociologue, sur l’histoire des aides familiales à Montréal entre 1850 et 2001 (De Groot, Ouellet, 2001). Engrenage Noir / LEVIER organise, soutien et finance, depuis quelques années, de nombreux projets d’arts communautaires dans la province, devenant ainsi un important acteur dans l’analyse[20] et la mise en œuvre de projets artistiques intégrés dans des communautés et dans lesquels les œuvres créées exigent une cocréation, une participation étroite entre l’artiste (ou les artistes) et les membres. Ainsi, depuis 2008, un projet de création artistique fort intéressant, Agir par l’imaginaire, est coordonné en partenariat avec la Société Élizabeth Fry du Québec, un groupe communautaire qui intervient auprès des femmes criminalisées. Des ateliers de divers ordres (photographie, vidéo, autoportraits, slam, danse, etc.) sont offerts intra-muros et réalisés avec des femmes incarcérées dans les prisons. L’artiste invité (ou les artistes) crée alors en collaboration avec celles-ci des œuvres qui seront exposées, au cours de la prochaine année, dans les Maisons de la culture[21]. 4. Conclusion Tous les analystes de l’art féministe s’entendent pour situer la période la plus bouillante, féconde et importante de cet art dans les années 1970 et 1980. Depuis lors, les créations sont moins répandues, leur lecture plus complexe, et elles n’obtiennent plus un impact aussi déterminant dans le milieu de l’art et dans la société. En regard de l’art féministe québécois, le constat d’Arbour (2004 : 25) est clair : « Près de 25 ans plus tard, de tels éléments ou traits formels et plastiques [ceux associés à l’art des femmes] ne revêtent plus l’importance qu’ils ont eue alors que la recherche identitaire en art était urgente pour les femmes. […] Le mouvement des femmes en art […] s’est rapidement défini, séparé et disséminé ». L’institutionnalisation de cet art, à la fin des années 1980, en est en partie responsable (Lemieux, 2002 : 242; Sioui Durand, 1999 : 193), tout comme l’évolution des pratiques artistiques en elles-mêmes et les mutations sociopolitiques. Cela dit, la pratique et la réflexion exercées par les artistes femmes autours de La Centrale, la présence de collectifs comme Les Fermières obsédées, l’omniprésence de thèmes et de référents liés à la théorie et aux revendications féministes montrent que cette préoccupation est encore très présente dans la vie de plusieurs artistes femmes, et donc qu’elle est perceptible dans leurs œuvres (même si elle se combine souvent avec d’autres). D’ailleurs le passage, dans la 3e vague, du politique à l’éthique n’est pas propre au féminisme en art. Il s’observe dans toutes les formes d’art engagé actuel, de même que le rejet d’un style trop militant (Ardenne, 1999; Lamoureux, 2009; Rancière, 2004). Comme l’explique Sioui Durand (1997 : 176), l’artiste engagé utilise aujourd’hui : « […] de manière autonome [le] social comme matériau de création. Il confère une historicité au matériel culturel avec lequel il rompt, auquel il fait référence ou qu’il transforme. Le travail de l’art sur l’art peut introduire ses critiques, innovations et ruptures qui ne sont pas que formalistes ». Depuis les années 1980, les liens sont plus étroits entre les explorations théoriques féministes et l’art de certaines artistes femmes qu’avec le mouvement social des femmes. Faut-il s’en désoler ? Peut-être. Mais, au Québec, il y a d’abord urgence de reconnaître le travail essentiel des artistes femmes dans l’évolution du féminisme ainsi que de tenir compte de ces œuvres et des analyses des historiennes, sociologues et autres de l’art dans la théorisation féministe en sciences sociales et en philosophie. Rose-Marie Arbour (2004 : 30) ne regrettait pas pour rien que dans l’ouvrage, publié en 2003 par Dumont et Toupin, La pensée féministe au Québec. Anthologie (1900-1985), il n’y ait aucune créatrice (peu importe la discipline) ni aucun texte sur les rapports entre art et féminisme. Nous pensons, tout comme elle, que cette absence est très éloquente…
Notice biographique : Ève Lamoureux poursuit un postdoctorat, affilié au Groupe de recherche en sociologie des arts et des cultures (GRESAC) à l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles. Elle poursuit ses recherches sur la question de l’engagement des artistes en arts visuels au 20e siècle. Son livre, Art et politique : Nouvelles formes d’engagement artistique au Québec, a été publié, en 2009, chez Écosociété.
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[1] http://images.google.ca/imgres?imgurl=http://www.sofaexpo.com/chicago/2005/img/special/ __rc43fX9xbgA8EuPcbCJoTfcugls=&h=240&w=300&sz=43&hl=fr&start=23&itbs=1&tbnid=rrjveqHXcpaTgM:&tbnh =93&tbnw=116&prev=/ images%3Fq%3DThe%2BDinner%2BParty%26start%3D21%26hl%3Dfr%26sa%3DN [2] http://images.google.ca/imgres?imgurl=http://sisyphe.org/IMG/jpg/doc-737.jpg&imgrefurl= et http://sisyphe.org/spip.php%3Farticle1698&usg=__q7-SOCRtLVIfNYfHb3H8BN5tBRw=&h=144&w =216&sz=5&hl=fr&start=4&itbs=1&tbnid=i6n9uohG4iYdcM:&tbnh=71&tbnw=107&prev=/images%3Fq%3Dlariv%25C3%25A9e %2B%2522la%2Bchambre%2Bnuptiale%2522%26hl%3Dfr%26sa%3DN%26gbv%3D2%26ndsp%3D21%26tbs%3Disch:1 [5] http://www.voxphoto.com/recherche.php?cmd=getavanceeB&lng=fr&page=1&pageaff= 0&debug=1&anneemin=0&anneemax=2010&proceder=0&pratique=0&theme=0&artistes=39&texte= [6] http://www.voxphoto.com/recherche.php?cmd=getavanceeB&lng=fr&page= 1&pageaff=0&debug=1&anneemin=0&anneemax=2010&proceder=0&pratique=0&theme=0&artistes=4&texte= [7] http://books.google.ca/books?id=Tetxzu8DQnEC&pg=PA160&lpg=PA160&dq=marie+decary +banni%C3%A8res+Les+chevali%C3%A8res+des+temps+modernes&source=bl&ots=KuBjEOSopk&sig= X2yn0iUZKsR343Vazn1MdF1-CX8&hl=fr&ei=AOmjS8zuJ8WAlAeXwJj_CA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=2&ved =0CAoQ6AEwAQ#v=onepage&q=marie%20decary%20banni%C3%A8res%20Les%20chevali%C3%A8res [8] http://www.nicolejolicoeur.com/ et http://www.voxphoto.com/recherche.php?cmd=getavanceeB&lng=fr&page=1&pageaff=0&debug=1&anneemin =0&anneemax=2010&proceder=0&pratique=0&theme=0&artistes=115&texte= [9] Voir notamment les œuvres suivantes : Femmes en hystérie (d’après J.M. Charcot) (1981), Charcot : deux concepts de nature (1985), La vérité folle (1989) et La leçon de Charcot (1989). [10] http://www.voxphoto.com/recherche.php?cmd=getavanceeB&lng=fr&page=1&pageaff=0&artistes=87& image_fichier=1870106&anneemin=0&anneemax=2010&proceder=0&pratique=0&theme=0&tn_nav=1 [11] Voir note 5. [12] Voir note 8. [14] http://www.twine.com/item/12rn5jhx1-54x/the-painterly-drawings-of-vancouver-artist-theresa-sapergia [20] À ce sujet d'ailleurs est attendue une publication importante à l’automne 2010, dans laquelle Engrenage Noir / LEVIER entreprend un bilan des dernières années de création et approfondit sa conception des arts communautaires (définition, enjeux, etc.). [21] Il est possible de voir l’évolution du projet sur les deux sites suivants : http://translate.google.ca/translate?hl=fr&langpair=en|fr&u=http://www.elizabethfry.qc.ca/ et http://www.engrenagenoir.ca/blog/archives/category/agir-par-limaginaire.
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féministes/ estudos feministas |