labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/ juin / 2014  -janeiro/junho 2014

 

 

Un cinéma féminin sans féminisme ?  Marginalité, intégration et différence chez les nouvelles réalisatrices françaises des années 1990.

Corinne Oster

 

Résumé  :

Cette contribution se propose de revenir sur l’émergence d’un nombre inédit de films réalisés par des femmes en France dans les années 1990 au regard des discours français sur l’identité et la différence dans ce pays et au regard des discours que ces films véhiculent sur la société contemporaine.  La spécificité de ce « cinéma de femmes », si l’on peut le qualifier ainsi, est en effet de rarement s’inscrire dans un discours féministe, voire féminin, et ce pour des raisons majoritairement liées au contexte idéologique, institutionnel et théorique dans lequel elles travaillent.  Nous reviendrons sur le contexte institutionnel et théorique dans lequel s’inscrit la production française jusqu’aux années 1990 avant d’examiner les stratégies (de contournement) mises en place par les réalisatrices et de tenter, enfin, d’évaluer le succès ambigu de ces films par rapport aux discours féministes sur la place de la femme artiste au sein de la société.

Mots-clés : cinéma féminin – féminisme – cinéma français – femmes auteures – universalisme

 

 

Introduction :

Cette contribution se propose de revenir sur l’émergence d’un nombre inédit de films réalisés par des femmes en France dans les années 1990 au regard des discours français sur l’identité et la différence dans ce pays et au regard des discours que ces films véhiculent sur la société contemporaine.  La spécificité de ce « cinéma de femmes », si l’on peut le qualifier ainsi, est en effet de rarement s’inscrire dans un discours féministe, voire féminin, et ce pour des raisons majoritairement liées au contexte idéologique, institutionnel et théorique dans lequel elles travaillent. 

La prévalence du cinéma d’auteur associée à l’absence de théories féministes du cinéma en France semblent avoir contribué à l’émergence d’un cinéma spécifique dont nous essaierons de déterminer les caractéristiques au prisme de thématiques féministes que la majorité de ces réalisatrices ne revendiquent pas ou ne revendiquent pas explicitement.  Pour cela, nous reviendrons tout d’abord sur le contexte institutionnel et théorique dans lequel s’inscrit la production française jusqu’aux années 1990 avant d’examiner les stratégies (de contournement) mises en place par les réalisatrices.  Nous tenterons enfin d’évaluer le succès ambigu de ces films par rapport aux discours féministes sur la place de la femme artiste au sein de la société.

 

Contextes :

Les années 1990 sont une décennie inédite pour le cinéma des femmes en France, pendant laquelle non moins de 200 films ont été réalisés par une centaine de cinéastes différentes, jeunes pour la plupart (Audé, 2002 et Tarr/Rollet, 2001).  Durant cette période, une trentaine de ces cinéastes ont réalisé au moins deux films à moyen budget qui ont connu un succès relatif sur le grand écran (100.000 entrées ou plus), dans les cinémas commerciaux ou d’art et essai, et bien que ces films ne représentent qu’environ 14% de tous les films distribués en France pendant les dix années en question (Audé in Tarr/Rollet : 1), ce chiffre est sans précédent dans l’histoire du cinéma en Europe.[1] 

Il est difficile de proposer une synthèse de presque deux cents films, tout comme il est difficile de faire un choix objectif, parmi tous ces films, et de sélectionner ceux d’entre eux qui semblent les plus représentatifs d’un mouvement qui nous le verrons n’a pas d’existence en tant que catégorie officielle.  Pourtant, ce phénomène sans précédent a donné lieu dès le début des années 2000 à plusieurs ouvrages et travaux universitaires (Audé, 2001, Tarr/Rollet, 2001, Oster, 2003), dont il ressort que le désir croissant des femmes d’intégrer toutes les strates de la société et de faire entendre leurs voix par le biais de la caméra – avec plus ou moins de succès – peut être attribué à divers facteurs. 

Parmi les facteurs d’ordre institutionnel, l’intégration d’un plus grand nombre de femmes dans les écoles de cinéma (notamment la FEMIS) a certainement joué un rôle, même si les femmes ne choisissent toujours que rarement les parcours menant au métier de réalisatrice.  Le système de l’avance sur recettes comme mode de financement a également contribué à l’émergence d’un cinéma plus indépendant dont les femmes ont tiré parti.  Cette période coïncide également avec le début des mouvements qui donneront lieu à la fin des années 1990 aux premiers textes de loi sur la parité. 

Les facteurs d’ordre socio-culturel jouent également un rôle crucial, en particulier l’absence quasi-totale de reconnaissance commune d’une identité féminine dans la majorité des films de ces réalisatrices, en raison de la relation particulière de la France avec le féminisme et d’une manière plus générale (et plus paradoxale) avec ce que l’on a maintenant coutume d’appeler la « French theory » et les « cultural studies ». 

Il faut enfin souligner que le cinéma féminin en France a évolué dans un contexte particulier.  Réalisatrices et critiques contemporains situent le plus souvent leur travail dans le cadre de la politique des auteurs, et les théories féministes du cinéma, très présentes dans l’analyse cinématographique anglo-saxonne depuis le milieu des années soixante-dix, n’ont pas rencontré de succès en France.  Le paradoxe que nous soulignons réside alors dans la présence massive de films de femmes en France, sans équivalent dans les pays anglophones où l’engagement critique vis-à-vis du cinéma féminin est pourtant plus important. 

 

Existe-t-il un cinéma féminin en France ?

En effet, bien que ces concepts aient fait leur chemin depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, les français comme les françaises sont réticents à adopter une terminologie qui serait déterminée par le sexe/genre des réalisatrices, ce qui inspire à Carrie Tarr et Brigitte Rollet la première phrase de leur ouvrage sur les cinéastes françaises : le cinéma féminin en France est source à la fois d’émerveillement et de désespoir (« Women’s filmmaking in France is both a source of delight and despair », 2001, 1).  En témoignent le positionnement de réalisatrices comme Laurence Ferreira Barbosa, qui à la question « vous sentez-vous appartenir à un groupe ? » répond en 1993 : « Non, pas du tout, je crois que nous sommes tous très différents » (Richard & Thirard,1993 : 22-23), ou celui de Tonie Marshall, qui déclare en 1994 : « Je lutte contre l’idée d’identité féminine qui est souvent formulée ainsi : portrait de femme par femme » (Jousse & Taboulay, 1994 : 26-29).  Diane Kurys, en 1991, refuse d’être cataloguée comme femme cinéaste, trouvant le concept « négatif, dangereux et réducteur » (Vincendeau, 1991), et Agnès Varda, qui tente en 2000 de réconcilier son identité de cinéaste et de femme, déclare :

« Ce qui est spécifiquement féminin dans mon travail, c’est que je suis une femme. (…)  Femme engagée dans le monde où elle est, mais cinéaste surtout, je crois.  Il me semble que quand on présente des films, on est d’abord cinéaste, et ensuite femme » (Giordano, 2000). 

On trouvera aussi quelques double-discours, comme celui de Coline Serreau, qui  déclare en 1978 que « le marxisme, la psychanalyse et le féminisme sont au 20ème siècle des instruments de lutte et de travail qui ont tout remis en question et dont on ne peut se passer », (Rollet, 1998, 10) et mais qui reniera par ailleurs l’importance du genre dans son travail :

« Je ne suis pas une femme qui fait du cinéma, je suis quelqu’un qui fait du cinéma » (  Rollet, 1998 : 25). 

La revendication de cette individualité est principalement ancrée dans la tradition du cinéma d’auteur, ainsi que le résultat d’une tradition d’analyse textuelle plutôt que pragmatique, facteurs qui ont contribué à la création d’un cinéma réticent à reconnaître son appartenance à une autre catégorie que celle du cinéma français – lui même le reflet de la réticence universaliste de la France à s’associer à tout groupe autre que la nation.  Cette particularité se vérifie dans l’absence d’un regard féministe dans le cinéma français, qui peut être mis en parallèle avec l’absence d’un féminisme (ou de féminismes) dignes de ce nom, comme le note Marie-Hélène Bourcier (2011 : 17-23) : la France, berceau de textes qui alimentent la « French theory » de l’autre côté de l’Atlantique depuis les années 1970, n’a en effet jamais vraiment réussi à intégrer ces mêmes pensées et théories au sein d’une nation résolument anti-communautariste.  François Cusset confirme cette tendance à une plus grande échelle : celles que Saïd a nommé les « théories voyageuses » (in Cusset, 2005 : 21) ont été largement décontextualisées aux États-Unis afin de s’appliquer aux études culturelles, aux études de genre, aux études filmiques ou post-coloniales, mais les théories développées grâce à cette traversée n’ont pas fait le voyage retour jusqu’en France. 

Enfin, certains critiques de cinéma ont postulé que la vision féminine / féministe à l’écran est tout simplement incompatible avec une vision auteuriste, comme le note Christine Gledhill :

« Feminist work on women directors has never been able to assume in such an unproblematic way that the language of cinema could express a personal vision.  In particular, images of women are understood as expressions of male desires or anxieties.  Given the ideology embedded in film language – and indeed in the notion of femininity – the presence of a woman director cannot guarantee a feminist – nor even a ‘feminine’ – film. » (in Kuhn / Radstone, 1990, 31-32). 

Toute tentative de situer ces réalisatrices dans la mouvance d’un cinéma féminin ou féministe devient donc d’autant plus difficile que le cadre du cinéma à la française résiste fondamentalement à l’intrusion du politique.  Soulignons par ailleurs qu’il peut sembler dangereux de les situer dans un mouvement de pensée auquel elles déclarent ne pas appartenir, et que se pose la question éthique d’une lecture féministe d’un travail qui ne l’est peut-être pas.

Retour en arrière : historiographie / inventaire de la critique :[2]

Il existe une myriade de définitions du cinéma dit « féminin », pour lesquelles nous renvoyons aux travaux de Annette Kuhn, Christine Gledhill, Claire Johnston ou Linda Seger (voir bibliographie).  Mais ces travaux, nous l’avons suggéré, semblent être l’apanage des études anglo-saxones. La critique cinématographique française quant à elle peine à se pencher sur le sujet, contribuant ainsi à l’invisibilité relative du cinéma féminin en France. 

Historiquement, en France comme ailleurs, peu d’histoires ou d’encyclopédies du cinéma mentionnent les femmes cinéastes.  Symptômatiquement, Georges Sadoul, auteur en 1949 d’une Histoire du Cinéma Mondial (aujourd’hui dans sa neuvième édition, 1999) consacre un seul paragraphe à Germaine Dulac et présente Alice Guy-Blaché, désormais reconnue comme la première réalisatrice de films de fiction, comme la secrétaire de Louis Gaumont, même si il lui accorde plus loin la qualité de metteur en scène de films courts pour la compagnie ; en ce qui concerne les Etats-Unis, Sadoul ne fait aucune mention de Dorothy Arzner ni d’Ida Lupino, seules femmes réalisatrices pour un studio hollywoodien (Arzner de 1927 à 1943, et Lupino de 1949 à 1966). 

Plus tard, alors que les publications critiques sur le travail des femmes cinéastes se développent dans les pays anglo-saxons à partir des années 1970 sous l’influence des mouvements féministes (naissance aux États-Unis des périodiques Women and Film en 1972 (aujourd’hui Camera Obscura) et de Jump Cut, de Screen en Angleterre et de Frauen und Film en Allemagne), il y a très peu de publications sur ce sujet en France.  Un des premiers livres sur les femmes cinéastes en France est l’ouvrage d’Henri Ford, Femmes cinéastes ou le triomphe de la volonté (1972), consacré au cinéma féminin dans le monde.  Publié par la collection « Femmes » chez Denoël/Gonthier alors que les mouvements féministes connaissent une ampleur et une visibilité sans précédent, le ton de ce livre va clairement à l’encontre de ce qu’il est censé promouvoir : les femmes peuvent faire du cinéma tant qu’elles restent dans les limites du bon goût.  Son analyse des films de Jacqueline Audry, cinéaste lesbienne aujourd’hui reconnue, n’est élogieuse que parce qu’Audry aborde son sujet de manière à éviter les questions potentiellement subversives :

« Dans La Garçonne, la cinéaste apporta une nouvelle preuve de sa faculté extraordinaire de reconstituer une époque révolue. . . . Et, une fois de plus, les séquences scabreuses furent tournées avec tact, les situations douteuses à peine effleurées.  Lors de sa projection publique, à partir d’avril 1957, La Garçonne ne provoqua aucun scandale » (107-108). 

Ford mentionne également d’Agnès Varda, alors cinéaste débutante, comme de quelqu’un de « froid et cérébral » et conclut son exposé sur un ton clairement désapprobateur : « […] Agnès Varda, dont on peut encore attendre beaucoup, à condition qu’elle fasse preuve de sagesse dans le choix de ses sujets » (116). 

Les français(e)s devront attendre 1981 pour lire Ciné-modèles, cinéma d’elles, de Françoise Audé, ouvrage ouvertement féministe qui étudie la représentation des femmes dans le cinéma français depuis la fin des années cinquante jusqu’aux années quatre-vingt, dans lequel Audé consacre un tiers de son ouvrage à des cinéastes telles qu’Agnès Varda, Yannick Bellon, Marguerite Duras, Coline Serreau ou Christine Pascal, réalisatrices alors connues pour leurs films militants ou engagés sur la condition des femmes, l’avortement (L’une chante, l’autre pas de Varda), le viol (L’amour violé de Bellon) ou l’amour libre (Pourquoi pas ? de Serreau). 

Les ouvrages sur le cinéma parus après 1980, décennie marquée par un fort courant réactionnaire, ne consacrent que quelques pages aux femmes cinéastes.  René Prédal, dans Le cinéma français contemporain (1984), propose à ses lecteurs un sous-chapitre descriptif (et interrogatif) de 7 pages intitulé « Un cinéma de femmes ? » (120-126), dont la moitié est consacré à Agnès Varda et à son travail au sein de la nouvelle vague.  Quant au groupe de la nouvelle vague, responsable de la publication des Cahiers du cinéma et autorité reconnue au sein du cinéma français, il ne consacre pas non plus de recherches au cinéma féminin en dehors d’études individuelles de femmes-auteurs.  E. Ann Kaplan souligne par ailleurs dans son introduction à Feminism and Film (2000) que les Cahiers du cinéma ont rarement produit des analyses féministes, bien que ses articles aient eu de l’influence sur les théories féministes à l’extérieur de la France, suggérant elle aussi que la théorie du cinéma française a bel et bien établi les fondations sur lesquelles les théories féministes du cinéma ont pu se développer, sans toutefois rejoindre leur pays d’origine. 

Monique Martineau, tout en remarquant en 1993 que seuls quelques ouvrages français ont abordé le cinéma des femmes, cite quant à elle les publications des associations et des auteures féministes : Paroles, elles tournent (1976) est publié par Musidora, association responsable des premiers festivals de films de femmes en 1975, puis la collection « Le cinéma au féminisme » publiée par Cinémaction paraît en 1979 ; enfin, Le cinéma des femmes de Paule Lejeune paraît en 1987.  Il convient d’ajouter à cet inventaire le numéro spécial de 1982 de Des femmes hebdo publié par le MLF et intitulé « Des femmes et le cinéma 1978-1982 », qui ne mentionne aucune des théories du cinéma féministes anglo-saxonnes déjà existantes.  Le classique de Jacques Aumont et Michel Marie sur L’analyse des films (1988) ne consacre encore dans sa réédition de 1992 qu’une page et demie (sur 215) aux « analyses féministes aux USA », la moitié étant un résumé de l’article de Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », certes fondamental, mais repris et débattu maintes fois depuis sa parution en 1975. 

Dans les années qui vont suivre, l’effort le plus notable d’accroître la visibilité des théories féministes sur le cinéma est la parution en 1993 d’une collection de textes intitulée « 20 ans de théories féministes sur le cinéma », publiée par Cinémaction sous la direction de Ginette Vincendeau et de Bérénice Reynaud pour le festival du film de femmes de Créteil.  Cette collection représente la première tentative sérieuse de faire connaître à un public francophone des écrits jusqu’alors jamais traduits (la majorité des ouvrages disponibles sur les théories féministes du cinéma dans les bibliothèques françaises en 2014 est toujours en anglais, et donc uniquement accessible à un public restreint). 

Ce n’est qu’au début des années 2001 et 2002 que sont publiés deux ouvrages importants sur le cinéma féminin en France, et qui à ce jour n’ont pas donné lieu à des suites.  Au Royaume-Uni, Carrie Tarr et Brigitte Rollet publient Cinema and the Second Sex en 2001, et en France, Françoise Audé publie en 2002 une suite à son livre de 1981, Cinéma d’elles. Ces deux ouvrages couvrent une période de vingt ans, de 1980 à 2000, et offrent un inventaire exhaustif des réalisatrices et des films de cette période plutôt que l’analyse d’un « mouvement », que les deux ouvrages mentionnent comme étant encore à l’état d’hypothèse. 

En toute logique, Kate Ince remarque que ces deux ouvrages de référence sont marqués par une différence d’approche fondamentale (Ince in Igby/Leahy, 2011 : 234-35) : Audé aborde son étude sous l’angle du cinéma d’auteur, tandis que Tarr/Rollet se refusent à employer ce terme, préférant aborder l’exploration de films réalisés par des femmes en parlant d’une période dominée par une tendance au postféminisme (Tarr/Rollet, 2011 : 3).  Ince note également que depuis la mort de Françoise Audé en 2005, les seules contributions critiques au cinéma féminin en France sont des études d’auteur (Catherine Breillat et Claire Denis tenant le haut du pavé).

L’introduction des ouvrages d’Audé et de Tarr et Rollet est révélatrice.  En effet, toutes les trois, que ce soit en Angleterre ou en France, sont extrêmement prudentes dans leur identification d’un cinéma féminin, le livre d’Audé prenant encore plus de gants que celui de Tarr et Rollet pour qualifier l’objet de leur étude.  Ces dernières justifient le groupement de ces films dans une catégorie « arbitraire » qui se base à la fois sur une approche auteuriste du cinéma et une approche non-essentialiste des questions de genre, basée sur l’hypothèse que les femmes en tant que catégorie hétérogène font l’expérience de diverses séries de relations et de discours sociaux qui peuvent avoir un impact sur leur production cinématographique (8).

La question du genre cinématographique est elle aussi abordée par Audé, qui lui consacre un chapitre entier de son livre.  Comme Tarr et Rollet, elle déclare que le cinéma des femmes ne constitue pas un genre ; par contre, elle ne reconnaît aux réalisatrices aucune caractéristique féminine qui permettrait de les regrouper : « La diversité de leur propos et de leurs postures individuelles voue à l’échec toute tentative de regroupement des réalisatrices et de leurs films dans un ensemble, genre, école, courant ou mouvement.  Déjà rencontrée et située dans le contexte de son apparition, l’expression « film de femmes » survit néanmoins à toutes les dénégations des cinéastes.  Elle ne saurait pourtant renvoyer à un genre » (61). 

René Prédal dans Le jeune cinéma français (2002) note prend également note de l’importance croissante des réalisatrices dans le paysage du jeune cinéma français et consacre quelques pages à ce qu’il nomme « féminité et féminisme », dans lesquelles, de manière beaucoup plus tranchée, il récuse l’appellation de « cinéma féminin » tout simplement parce qu’il nie son existence en tant que genre cinématographique :

« C’est pourquoi nous ne saurions réserver une place spécifique au cinéma des femmes, pas plus que nous ne l’avons fait pour le cinéma des beurs ou des homosexuels.  En effet, notre approche esthétique n’est pas celle des gender studies, avant tout parce que la situation française n’est pas celle des États-Unis et que nous voulons étudier les films sans nous préoccuper du sexe ou de la couleur de la peau de leurs auteurs. . . [N]ous voulons insister sur des portraits remarquables de femmes . . .  Mais ce ne sont pas pour autant des « films de femmes » car nous récusons l’existence de ce genre cinématographique » (140-141). 

Le raisonnement est purement tautologique.  « Nous ne saurions », « notre approche n’est pas », « nous voulons », « nous récusons »…  Ces mots portent la marque de la négation et de la contrainte et non celle de l’analyse et de l’ouverture.  Prédal, une dizaine d’années avant les débats houleux sur l’introduction des études de genre en France, énonce clairement que les « gender studies » (en anglais dans le texte) ne passeront pas par la France.  A l’opposé, la stratégie adoptée par Françoise Audé pour se sortir de cette situation problématique consiste en partie à se définir comme féministe : « Mon point de vue demeure féministe car je le suis encore » (11), s’autorisant ainsi à critiquer les idées et les concepts féministes de l’intérieur, mais elle s’excuse toutefois de ce « regroupement commode » (9).  On ne peut que constater que, malgré des approches et des discours divergents, Prédal et Audé illustrent, chacun à sa manière, la frilosité des intellectuels et l’incapacité française à conceptualiser ou problématiser les approches non-auteuristes. 

Il existe naturellement des structures qui reconnaissent et se consacrent à la promotion du travail des femmes cinéastes.  L’exemple le plus notable est celui du Festival International des Films de Femmes (FIFF) de Créteil, créé en 1979 par Jackie Buet et Elisabeth Tréhard.  De nombreux compte-rendus et analyses du travail réalisé dans le cadre de ce festival ont été publiés par Ginette Vincendeau dans Screen au fil des ans, mais nous soulignerons que ce festival semble lui aussi avoir eu du mal à se situer dans le paysage cinématographique français (où il reste tout de même relativement marginal).  La mission déclarée du festival en 1996 est de « défendre le cinéma des femmes-auteurs du monde entier » (Bouquerel, 1996).  Cette insistance sur l’auteur comme bénéficiaire principal du travail du festival trouve même un écho singulier dans les propos de Chantal Akerman en 1987, qui dans son discours aux festivaliers déclarera que la notion de cinéma de femmes est démodé, remettant en question non seulement la validité du travail des cinéastes présentes, mais aussi la validité d’un événement dont elle est elle-même l’invitée vedette (Vincendeau in Screen  28:4, 1987 : 5.). 

Dans cette perspective, notons également que la plupart des critiques formulées à l’encontre du virage « commercial » opéré par le festival, contraint de trouver un juste milieu entre l’universalisme français et l’entreprise collective militante, fut formulé par les participants étrangers, certainement habitués à un engagement plus clair, plus militant et plus expérimental dans leurs pays.  Le Festival de Créteil semble en partie reproduire l’hésitation fondamentale entre universalisme et engagement collectif, comme le note note Dominique Martinez en 1999 :

« On a beaucoup reproché au FIFF de rester figé dans son féminisme historique (…).  Avec le grand débat sur la parité en politique, l’opposition entre universalistes et différencialistes est plus que jamais d’actualité et le festival ne se situe-t-il pas dans cette même problématique? » (Martinez in Audé, 19XX : 41).

 Symptômatiquement, peu des réalisatrices abordées ci-dessous ont présenté leurs films à Créteil.

 

Les films 

La spécificité de genre (« gender ») de ces cinéastes étant dans une large mesure ignorée, cette situation a certainement contribué à créer un cinéma peut-être moins identifiable en termes de catégories (sexe/genre), mais néanmoins original dans la diversité de ses approches.  Si nous regardons plus attentivement les films réalisés dans les années 1990, il apparaît que derrière cette politique d’intégration émergent bel et bien des idées et des thèmes qui appartiennent plus à un cinéma de la marge qu’au cinéma dit traditionnel.

 Dans un article de 1996, Anne Gillain analyse un échantillon de films de réalisatrices en France et suggère qu’ils présentent tous ce qu’elle appelle une vision du monde au féminin (259), et ce faisant, elle rejette l’idée d’un mouvement du cinéma féminin vers le mainstream.  Publié dans The French Review (sans surprise un périodique américain), l’article se base sur l’analyse de douze films réalisés entre 1993 et 1995, et il est le premier à proposer une typologie des caractéristiques d’un ‘nouveau cinéma féminin en France’ en identifiant des caractéristiques bien spécifiques. 

D’après Gillain, il existe bien un cinéma féminin en France, et ce cinéma se caractérise par une focalisation sur une protagoniste, souvent célibataire, et sur un phénomène de délocalisation présent à plusieurs niveaux : les films qu’elle étudie se situent loin des capitales ou des lieux de pouvoir habituellement montrés à l’écran, ce sont souvent des films ‘nomades’, ou des films d’errance, et ils ont souvent pour protagonistes des personnes appartentant aux minorités ethniques ou sexuelles.  Ils présentent également par des stratégies narratives non-linéaires, et l’ensemble contribue à ce qu’elle nomme un cinéma « de la marginalité » (261-267). 

Gillain suggère que, parce que les cinéastes qu’elle étudie ressentent le besoin de se distancer de l’idée d’un cinéma de femmes et ne se sentent pas autorisées à discourir de leur propre sentiment de marginalité en tant que femmes, elles déplacent le sujet de leurs films vers d’autres marginalités qui elles jouissent d’une place reconnue dans le discours national : celle des pauvres, des sans-emploi, des immigrés ou des homosexuels.  Ce passage à la représentation d’un genre de marginalité plus consensuelle que celle des femmes (ne serait-ce que par la diversité des thèmes abordés), souvent abordée avec scepticisme par les média, révèlerait le sentiment profond, peut-être inconscient de ces réalisatrices de s’associer à des populations ou mouvements minoritaires, tout en générant, en filigrane, des discours ou fragments de discours apparentés au(x) fémininsme(s). 

En élargissant le postulat de Gillain aux films réalisés dans les années 1990 (Oster, 2003), nous avons constaté que son hypothèse semble se vérifier, et, le nombre de films traités étant considérable, nous les avons catalogués ici en plusieurs sections : films à grand succès d’une part (plusieurs millions d’entrées, également les films les plus généralistes), et succès critiques d’autre part (évoqués au début de ce travail) : il est possible dans ces films de distinguer ceux dans lesquels est perceptible un déplacement à la marge sans qu’apparaisse de manière évidente une voix féminine ou féministe, et les films manifestement plus engagés (et beaucoup moins nombreux) qui présentent un discours plus radical sur la femme et/ou sa place au sein de la société.[3] 

Évacuons d’emblée les films à succès de la décennie : Gazon Maudit (Balasko, 1996, 4M d’entrées), Le goût des autres (Jaoui, 2000, 3,7M d’entrées), La Crise (Serreau, 1992, 2,3M d’entrées), et Vénus Beauté (Institut) (Marshall, 1998, 1,3M d’entrées), liste incomplète à laquelle nous ajouterons Trois Hommes et un Couffin (Serreau, 1985), qui cinq années plus tôt a attiré dix millions de spectateurs. 

Ces films portent tous des traces visibles de problématiques féministes (indépendance de la femme et discours de classe chez Jaoui, Marshall et Serreau, vieillissement des corps chez Marshall, différence sociale et sexuelle chez Balasko, et stéréotypes de genre chez les quatre réalisatrices), mais ils se noient aussi dans de nombreux clichés, et ce malgré des débuts cinématographiques ou des films antérieurs beaucoup plus engagés pour certaines de ces cinéastes (Pas très catholique de Tonie Marshall (1994) faisait le portrait bien plus radical d’une femme libre qui a rejeté toutes les conventions sociales ; Coline Serreau à la fin des années 1970 avait réalisé des films ouvertement militants sur le désir et la condition féminine). 

Les succès rencontrés ici sont des succès plutôt ambigus en terme de féminisme : Jaoui, note Audé, se complaît dans « le confort de l’académisme » sans offrir de spécificité féminine particulière à un film sur la différence sociale.  Toni Marshall, dans Vénus Beauté (Institut), propose quelques bribes de discours féministe, mais reste enlisée dans un type de mélodrame où la protagoniste trouvera l’amour au terme d’une love story finalement peu convaincante.  Dans Trois hommes et un couffin, film le plus ancien de cette sélection, Serreau prône le renversement des rôles mais les femmes du film brillent surtout par leur absence, comme le note Tania Modleski (1988 : 69-81), et ne fait finalement que réitérer les clichés sur les stéréotypes de genre.  Gazon Maudit quant à lui est un des rares films mettant en scène un personnage de lesbienne (la butch stéréotypique) que Balasko fait vivre dans un camion, la situant d’emblée, et de manière symptomatique, en marge de la société.  Il n’y a par ailleurs dans ces quatre films aucune transgression visuelle notable, même si Gazon Maudit est le seul à montrer à l’écran des scènes d’intimité entre deux femmes. 

La plupart des films ayant eu un succès relatif en salle (au moins 100.000 entrées) seront ceux qui nous intéressent le plus ici : bien que très divers, leur point commun répond souvent au postulat de Gillain en ce qu’ils semblent maintenir des stratégies de « délocalisation » déclinées sous diverses formes : spatiale, sociale, raciale, sexuelle, et renvoient en filigrane à des problématiques communes au(x) féminisme(s). 

Sous des abords variés, on retrouve tout d’abord un traitement relativement abstrait de la place de la femme dans l’espace public et privé.  Thématique féministe s’il en est, car les dichotomies binaires établies renvoient systématiquement la sphère publique au masculin (visibilité, mobilité…) tandis que la sphère privée, intime, plus statique, est construite comme féminine.  Parmi les films étudiés, nombreux sont ceux qui jouent avec ces codes pour tenter de les déconstruire, et utilisent pour cela les stratégies de délocalisation spatiales et temporelles identifiées par Gillain.  Les lieux traditionnels du cinéma français (généralement le centre de Paris) sont dans nombre de films déplacés en province – souvent dans le Nord de la France (Parfait Amour de Catherine Breillat, Rosine de Christine Carrière, Les Amoureux de Catherine Corsini, En avoir (ou pas) de Laetitia Masson, Le Fils du Requin d’Agnès Merlet, Rien à Faire de Marion Vernoux), ou vers les banlieues (S’en fout la mort de Claire Denis, Les histoires d’amour finissent mal (en général) d’Anne Fontaine, Lila, Lili de Marie Vermillard, Clubbed to death de Yolande Zauberman).  Cette délocalisation géographique semble renforcer l’effet de défamiliarisation et d’intimité partagée avec le spectateur, confronté à des environnement dans lequel il a perdu ses repères. 

En ce qui concerne la sphère domestique, les lieux d’habitations ne sont souvent plus des maisons, mais deviennent des hôtels (En avoir (ou pas) de Laetitia Masson, J’ai pas sommeil de Claire Denis), des appartements dont on ne voit que les balcons (Clubbed to death de Yolande Zauberman), des couloirs (Dans ma peau de Marina de Van), des institutions psychiatriques (Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa), des zones industrielles ou des sorties d’autoroutes ((Clubbed to death de yolande Zauberman, S’en fout la mort de Claire Denis) ou une zone commerciale avec son supermarché, miroir du désir consumériste (Rien à faire de Marion Vernoux) qui lui aussi renvoie à la distribution des rôles sociaux et genrés. 

Nombre de protagonistes se déplacent beaucoup (on pourrait parler de road-movie dans A vendre de Laetitia Masson, Personne ne m’aime de Marion Vernoux, et Baise-moi de Virginie Despentes), ou ils arpentent la ville (J’ai pas sommeil de Claire Denis, Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa, Oublie-moi de Noémie Lvovsky), flâneurs et flaneuses dans une France contemporaine dont les repères ne sont plus fixes. 

Le temps est lui aussi objet de déplacement.  Ceci est particulièrement visible dans les films de Claire Denis, qui montrent l’espace dans lequel évoluent ses protagonistes : espace liminal de l’aube et du crépuscule, entre chien et loup, ou qui font la part belle à la nuit, espace alternatif investi par des personnages qui peinent à trouver leur place dans l’espace public traditionnel. 

Ces choix témoignent aussi d’un traitement formel par nombre de cinéastes des thématiques d’exclusion et de marginalité qui concernent bien entendu les femmes, mais qui ne leur sont pas exclusivement réservées.  Le premier long-métrage de Laurence Ferreira Barbosa, Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel (1993) remet en question les normes sociales et l’idée même de normalité en situant son film au sein d’une institution psychiatrique ; Dans En avoir (ou pas) (1995), Laetitia Masson se penche sur le chômage des jeunes sous-qualifiés en suivant l’itinéraire d’une jeune femme dans le nord de la France ; Moi Ivan, toi Abraham (1993) de Yolande Zauberman illustre l’amitié problématique entre deux jeunes garçons issus de milieux ethniques et religieux différents dans la Pologne des années 1930 ;  Patricia Mazuy peint un portrait psychologique au vitriol de deux frères vivant dans un village isolé dans Peaux de vaches (1988) ; Claire Denis utilise la relation conflictuelle entre un frère et une sœur dans Nénette et Boni (1996) pour analyser la sexualité masculine et féminine. 

Les protagonistes de ces films sont le plus souvent des sujets désirants, dont la délocalisation et les déambulations hors de la sphère domestique ne sont qu’une des manifestations et leur permet d’échapper, même temporairement, au contrôle des corps par les instances publiques gouvernementales qui pour reprendre les idées de Michel Foucault aimeraient bien qu’il reste à sa place.  

La famille dans ces films apparaît ainsi non pas comme le lieu d’harmonie et de stabilité tant vanté par les partisans du modèle patriarcal, mais comme un regroupement nécessairement dysfonctionnel, locus de tensions qui ne demandent qu’à exploser.  Le « repas de famille » dans ces films en est certainement une des manifestations les plus parlantes.  Décliné sous diverses formes (voir le repas entre résidents d’une institution psychiatrique dans Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel), le dîner de Camille chez son frère dans La nouvelle Eve de Catherine Corsini expose ainsi tout un discours sur la sexualité « déviante » de Camille, jeune femme libre et libertine, dont la sexualité « stérile » est mise en regard avec la sexualité « fertile » de sa belle-sœur enceinte qui elle est l’objet de toutes les attentions alors que ces mêmes attentions la privent de toute autorité sur son corps.  Cette séquence illustre parfaitement les propos récents de Beatriz Preciado, qui explique dans un article sur les politiques de la reproduction :

« Enfermés dans la fiction individualiste néolibérale, nous vivons avec la croyance naïve que notre corps nous appartient, qu’il est notre propriété la plus intime, alors que la gestion de la plupart de nos organes est assurée par diverses instances gouvernementales ou économiques » (2014). 

A travers l’affirmation d’un désir et d’une utilisation de leur corps non-conforme aux politiques nationales de la sexualité, les protagonistes de La nouvelle Eve, mais aussi de Post-Coïtum, animal triste, de Brigitte Rouän, et de la majorité des films de Claire Denis, sont les vecteurs d’une entreprise de destruction de l’ordre établi (et non de destruction de l’identité et de l’intégrité de la femme que postule Catherine Breillat, pour qui les enjeux du féminisme se concentrent surtout sur la sphère personnelle, et selon qui la femme, « d’objet de désir […] devient désirante.  A ce moment-là, elle a perdu » (1999 : 16).  Dès que le contrôle des corps ne peut plus s’exercer, la micro-société représentée par la famille ou par le couple vole en éclats.  Cette thématique trouve son paroxysme dans le film de Marina de van, Dans ma peau, qui lui aussi met en scène « le théâtre abstrait d’un bio-pouvoir » (Azalbert, 2002 : 82) dans lequel le personnage principal, cadre supérieur dans une grande entreprise et soumise à une pression de représentation constante, se réapproprie son corps (et le soustrait ainsi à la propriété d’état) en le mangeant. 

De Van pousse dans son film les limites de la représentation, ce qui le rend particulièrement difficile à regarder.  Elle est cependant un cas particulier dans le paysage cinématographique français au féminin, où par ailleurs plusieurs réalisatrices abordent les questions de représentation du corps (féminin, mais pas exclusivement) à l’écran.  Les questions de représentation sont un enjeu crucial des théories féministes du cinéma qui ont vu le jour dans les pays anglo-saxons avec l’article fondateur de Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », qui montre dès 1975 que le cinéma traditionnel peut être analysé comme le site privilégié d’une pulsion scopique au masculin.  Le cinéma est donc essentiellement un locus de production et de représentation des « mythes » sur la différence sexuelle.  La représentation de la femme à l’écran en particulier y est investie par le patriarcat, et  le « sujet » féminin, selon les principales théories féministes du cinéma, n’existe pas en tant que « sujet désirant », la femme n’étant représentée que comme « objet » du désir de l’homme. 

Teresa de Lauretis (1984) note cependant que masculinité et féminité ne sont pas des attributs fixes, mais sont construits selon la position de la personne par rapport au désir.  Elle réfute donc la dichotomie établie par Mulvey selon laquelle l’identification au regard est masculine et l’identification à l’image est féminine. 

Sans développer ce qui pourrait donner lieu à un ouvrage entier, il semble possible d’identifier chez un nombre de réalisatrices françaises des processus de délocalisation et de déconstruction du regard masculin traditionnel, qui peuvent se décliner sous plusieurs formes. 

Mentionnons tout d’abord quelques réalisatrices telles que Dominique Cabrera (Demain et encore demain), Catherine Breillat (A ma sœur), Coline Serreau (Romuald et Juliette), ou naturellement Agnès Varda (Les Glaneurs et la glaneuse), qui dans leurs films mettent en scène des corps imparfaits, âgés, en surpoids, tout en produisant un discours sur la perception intime de ces corps qui vient contrarier ou remettre en question la pulsion scopophilique du spectateur.

 D’un point de vue formel, c’est surtout dans les films de Claire Denis que le corps est radicalement remis en scène dans les années 1990 – corps que la caméra filme ou survole comme autant de paysages sensuels.  La vitalité tout comme la violence des corps est déclinée sous d’autres formes dans les films de Claire Devers (Noir et blanc), Marina de Van (Dans ma peau), Catherine Breillat (Parfait Amour, Romance) ou Virginie Despentes (Baise-moi).  Ces deux dernières réalisatrices sont également les premières à aborder aussi directement la question des représentations normées de la sexualité à l’écran, et leurs films, aussi discutables soient-ils sur le plan formel (le film de Despentes n’est pas particulièrement remarquable pour ses qualités cinématographiques ou esthétiques) ou politique (le féminisme de Breillat est souvent à la limite de la misogynie), ont indéniablement contribué, par la transgression qu’ils opèrent en tant que films « réalisés par des femmes » au sein d’un cinéma grand public, à ouvrir le débat sur les définitions de la pornographie, les limites de la représentation, et surtout sur la place des femmes en tant que sujets « produisants » au sein de ces débats. 

Le déplacement que constitue la représentation du corps masculin comme objet de désir est également le territoire de quelques réalisatrices, moins nombreuses, telles que Jeanne Labrune (Si tu m’aimes, prends garde à toi) Brigitte Rouän (Post-coïtum, animal triste), mais encore une fois de Claire Denis, dont Judith Mayne déclare dans la préface de sa monographie sur la cinéaste que ses films portent sur l’acte de regarder (« are about watching ») (Mayne, 2005, xi) : regarder et filmer le corps (Trouble every day, Nénette et Boni) mais surtout le corps des hommes (Beau Travail, S’en fout la mort, J’ai pas sommeil).  Grégoire Colin, un de ses acteurs fétiches, déclare à son propos qu’elle filme le corps masculin comme le ferait un homme homosexuel (Rubin, 2014 : web).  Il réitère ainsi le stéréotype selon lequel seul un homme est capable de produire un regard désirant au cinéma et met l’accent sur le rapport de pouvoir genré à l’œuvre dans la production du regard. 

Ce rapport de pouvoir dans la production du regard est par ailleurs complexifié par la mise en scène de personnages appartenant à des minorités ethniques et, dans une moindre mesure, sexuelle – mise en scène qui chez Claire Denis doit être étudiée dans toute sa complexité : dénonciation claire des situations de domination établies par le colonialisme, mais aussi positionnement ambigu d’une femme blanche en tant que sujet désirant filmant des hommes de couleur, et mise en scène de personnages allant à l’encontre des stéréotypes politiquement corrects (Camille est un tueur en série noir et gay dans J’ai pas sommeil) – voir Oster, 1993 :web). 

De manière générale, peu de personnages issus de l’immigration ou des minorités ont des rôles importants dans les films des réalisatrices françaises, si l’on excepte Claire Denis, Yolande Zauberman et Claire Devers.  La plupart des films, cependant, sont parsemés « d’apparitions » de ces personnages qui peuvent être analysées d’une part comme répondant à l’évolution logique des représentations dans une société de plus en plus multiculturelle, mais d’autre part comme procédant d’un glissement dans le positionnement des réalisatrices qui reconnaissent dans ces « minorités », tout en laissant transpirer un regard fantasmatique sur le corps « étranger » qu’ils représentent (ceci est particulièrement vrai pour clubbed to death), une population opprimée dont elles se sentent fondamentalement proches. 

Il est intéressant de noter que, malgré la présence dans ces films d’un certain nombre important de personnages appartenant à la communauté LGBT (Gazon Maudit  de Josiane Balasko, La révolution sexuelle n’aura pas lieu de Judith Cahen, La nouvelle Eve et Les Amoureux de Catherine Corsini, J’ai pas sommeil de Claire Denis, Nettoyage à sec d’Anne Fontaine, Le cahier volé de Christine Lipinzka, Pas très catholique de Tonie Marshall, Romaine d’Agnès Obadia, Sam suffit de Virginie Thévenet), ces personnages sont souvent secondaires et/ou les problématiques de genre ne sont généralement pas abordées de manière directe, en partie parce que ces représentations ne sont pas centrales à leur propos, et en partie peut-être parce que la représentation des sexualités non-hétéronormées se rapproche trop des mouvements féministes ou queer pour pouvoir faire l’objet d’un traitement cinématographique destiné au grand public.  Il reste cependant une exception dans un paysage cinématographique français des années 1990, alors dominé par les portraits de personnages hétéronormés. 

La situation a un peu évolué ces dernières années, et plusieurs films mettant en scène des sexualités ou des identités de genre alternatives (en 2014, L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie, Les Garçons et Guillaume, à table de Guillaume Galienne, et La vie d’Adèle d’Abdelatif Kechiche étaient tous trois candidats à l’obtention d’un ou plusieurs César) tiennent aujourd’hui le haut de l’affiche, même si certaines de ces représentations sont problématiques à bien des égards.  Mais le discours n’a pas beaucoup changé.  Cécile Sciamma, jeune réalisatrice interrogée en France en 2011 au sujet de l’obtention par son deuxième film, Tomboy, d’un Teddy Award décerné par un festival berlinois LGBT,  ne positionne toujours pas son discours dans la mouvance queer : « Le film ne revendique pas du tout une appartenance à une communauté de spectateurs. Si on interprète ce prix comme ça, cela peut m’embarrasser, parce que j’essaye quand même de faire un film pour le plus grand nombre, et je ne m’adresse pas à une communauté. » (2011 : web). 

Evaluation : un succès ambigu ?

Quelles conclusions tirer de tout cela ?  Il existe au moins quelques réalisatrices conscientes – et désolées – de constater l’incapacité française à considérer les mouvements collectifs, mais ces discours, il est important de le souligner, apparaissent lorsqu’il s’agit de commenter la spécificité française, et donc de sortir de son cadre.  Jeanne Labrune, en parlant de l’Allemagne, la décrit ainsi :

« Our history is different from that of German film-makers who received help as women, and who structured themselves as such right from the start. (...) The French inability to think collectively means that French women cannot experience their practice in any other way than as auteurs » (in Vincendeau, 1987: 9).

Nombre de critiques ont souligné que les théoriciens et universitaires français ne voient pas le féminisme et la différence sexuelle comme des concepts théoriques, et que, pour cette raison, ce domaine est marginalisé à des questions d’idéologie.  En 1987, Vincendeau avait conclu son article sur le Festival de Film de Femmes de Créteil en remarquant que, à cause de tant de facteurs hostiles, les réalisatrices avaient court-circuité à la fois la possibilité d’une lutte collective organisée et celle d’une politique des représentations (« women directors in France have short-circuited both the possibility of organised struggle (or at least of meaningful gender positioning within their film practice) and of a politics of representation ») (Vincendeau 1987: 17). 

L’absence en France d’un cadre théorique, politique et culturel relatif au cinéma féminin n’a naturellement rien fait pour développer une position forte chez les réalisatrices, ni une appréhension fine de leurs travaux au prisme du féminisme.  Nous revenons ici par ailleurs à la question d’une lecture féministe de travaux groupés dans la catégorie peut-être finalement arbitraire de « femme », en l’absence d’un mouvement conscient qui pourrait les unifier. 

Comme nous l’avons vu, l’absence en France de fondement théorique en théorie féministe dans le domaine du cinéma a eu des conséquences à la fois sur la production et la réception des films réalisés par des femmes.  En ce sens, il y a probablement un prix à payer pour l’intégration de ces femmes dans le circuit cinématographique traditionnel, tout comme il y aurait eu un prix à payer pour leur positionnement en tant qu’artiste féministe.  Comme le note Caroline Gourbe dans un article sur le positionnement des femmes artistes, « En revendiquant le ‘droit à la différence’, le militant prend dès lors le risque de voir le piège se refermer, puisque soit, il se retrouve exclu du fait même de sa revendication, soit s’il ne le revendique pas, il entre dans une invisibilité plus grande encore » (Gourbe, 2007 : 209). 

Pourtant, et malgré une invisibilité relative (et il ne faut pas oublier que cette invisibilité est revendiquée), cette influence (ou plutôt son absence) semble avoir profité aux réalisatrices, qui ont fait preuve d’une certaine liberté à l’extérieur de cadres féministes dans lesquels elles se sentaient contraintes. 

On doit aujourd’hui reconnaître que la grande variété de sujets abordés par les films de femmes en France dans les années 1990 nous amène à suggérer qu’il n’existe pas un cinéma de femmes, mais plutôt une multiplicité de films de femmes français qui échappent peut-être à toute tentative de définition, et que leur statut en tant qu’individus (et non en tant que femmes) les a amenées à créer des œuvres extrêmement variées tout en évoquant, en filigrane, des problématiques communes aux féminismes. 

En fin de compte, il ressort de cette analyse nécessairement partielle des films de réalisatrices françaises dans les années 1990 est qu’ils ne sont pas dans leur globalité des films féministes à part entière (et on doit ici souligner différents degrés de discours compte tenu de la variété des productions), mais ils sont parsemés d’indices pointant vers un élargissement des normes acceptables concernant la féminité, la place de la femme au sein de la société capitaliste, mais aussi la place de la femme au cinéma. 

En montrant à l’écran des protagonistes, des lieux, des modes de fonctionnement en apparence normés, mais qui sortent souvent des cadres du cinéma traditionnel, ces réalisatrices déplacent ces normes établies, acte essentiel et militant dans la mesure où le cinéma renvoie aussi une image de ce que constitue la société « idéale ».  Même si Tarr et Rollet remarquent en 2001 que « [...]women’s presence in what is still a male-dominated industry may well be tolerated mainly because they tend to adopt strategies which deny the significance of their work in terms of gender » (Tarr/Rollet 2001: 281), la présence massive de stratégies alternatives de délocalisation et de déplacement hors des normes du cinéma traditionnel semble avoir été une stratégie constructive par rapport au cinéma militant des années 1970 qui à l’époque avait été marginalisé et qualifié de cinéma de ghetto. 

Trente ans plus tard, nombre de films réalisés par des femmes présentent à leurs spectateurs l’image et la voix de femmes et celle de minorités (sociales, ethniques, sexuelles, géographiques…) encore trop peu représentées dans le cinéma français des années 1990.  Cette forme de « résistance douce » à divers modes d’oppression, personnelle ou institutionnelle, contredit probablement l’idée d’un cinéma social, militant, tel qu’on l’a connu dans les années 1970.  Mais nous pouvons avancer que ce désir d’acceptation est couplé à la demande implicite que le « centre » et la « tradition » représentée par le cinéma traditionnel se déplace vers de nouveaux types de représentation proposées par les réalisatrices.  Le paysage cinématographique français s’est donc progressivement déplacé vers une esthétique du film qui, dans un sens, est devenue l’apanage des femmes cinéastes.

Nous suggérons ainsi que grâce à l’absence même de théorie anglo-saxone, les films des cinéastes françaises proposent une double dynamique d’intégration et de différence : alors que cette double dynamique peut apparaître comme la preuve d’un désir d’appartenance (à la nation, à la communauté du cinéma français), elle redéfinit, en même temps, les termes de cette appartenance en déplaçant le centre vers un centre différent que celui qui est conventionnellement associé au cinéma français à la fin des années 1980.  Comme le dit Gayatri Chakravorti Spivak à propos des sujets créolisés et hybrides, elles aussi veulent habiter le sujet national en le déplaçant – «[...] they too want to inhabit the national subject by displacing it » (Spivak, 1993 : 45).  

Succès mitigé pour les mouvements féministes dans la mesure où les réalisatrices ne font toujours pas preuve d’un engagement franc et massif envers les féminismes, la présence massive des femmes dans le cinéma français contemporain dans les années 1990, cinéma construit et délimité par la tradition républicaine universaliste et une hostilité manifeste à l’égard des féminismes et des théories féministes, s’il contredit partiellement ou en apparence les objectifs de ce positionnement, montre en fait une appropriation et un repositionnement subtils par ces cinéastes du paysage cinématographique français : une stratégie qui a aidé Claire Denis, Laetitia Masson, Patricia Mazuy, Laurence Ferreira-Barbosa, Tonie Marshall, Noémie Lvovsky et bien d’autres à réussir à se placer dans ce milieu de manière remarquable, renforçant la richesse et la diversité du cinéma français contemporain et à ouvrir ce champ à de nouvelles cinéastes dont on ne remet plus en question la place au sein de la « famille » cinématographique française, dans laquelle Pascale Ferran a obtenu en 2007 un césar pour Lady Chatterley, terrain d’expression du désir fondamentalement féministe. 

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Filmographie sélective :

Dans ma peau

Marina de Van

2002

Trouble Every Day

Claire Denis

2001

Le goût des autres

Agnès Jaoui

2000

Beau travail

Claire Denis

2000

Saint Cyr

Patricia Mazuy

2000

Une vraie jeune fille

Catherine Breillat

2000

Baise-moi

Virginie Despentes

2000

Les glaneurs et la glaneuse

Agnès Varda

2000

A ma sœur

Catherine Breillat

2000

Love me

Laetitia Masson

2000

La vie moderne

Laurence Ferreira-Barbosa

2000

La nouvelle Eve

Catherine Corsini

1999

Vénus Beauté (Institut)

Tonie Marshall

1999

Romance

Catherine Breillat

1999

La vie ne me fait pas peur

Noémie Lvovsky

1999

Rien à faire

Marion Vernoux

1999

Mémoires d’immigrés

Yamina Benguigui

1998

Demain et encore demain

Dominique Cabrera

1998

A vendre

Laetitia Masson

1998

Si je t’aime… prends garde à toi

Jeanne Labrune

1998

Nénette et Boni

Claire Denis

1997

J’ai horreur de l’amour

Laurence Ferreira-Barbosa

1997

Clubbed to death

Yolande Zauberman

1997

Post coïtum, animal triste

Brigitte Roüan

1997

Nettoyage à sec

Anne Fontaine

1997

Un frère

Sylvie Verheyde

1997

Sinon oui

Claire Simon

1997

Parfait amour

Catherine Breillat

1996

Y aura-t-il de la neige à Noël?

Sandrine Veysset

1996

Gazon maudit

Josiane Balasko

1995

Adultère mode d’emploi

Christine Pascal

1995

En avoir (ou pas)

Laetitia Masson

1995

Oublie-moi

Noémie Lvovsky

1995

J’ai pas sommeil

Claire Denis

1994

Personne ne m’aime

Marion Vernoux

1994

Les amoureux

Catherine Corsini

1994

Pas très catholique

Tonie Marshall

1994

Moi Ivan, toi Abraham

Yolande Zauberman

1993

Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel

Laurence Ferreira-Barbosa

1993

Le fils du requin

Agnès Merlet

1993

Les histoires d’amour finissent mal en général

Anne Fontaine

1993

La crise

Coline Serreau

1992

Ma vie est un enfer

Josiane Balasko

1991

S’en fout la mort

Claire Denis

1990

Romuald et Juliette

Coline Serreau

1989

Peaux de vaches

Patricia Mazuy

1989

36 Fillette

Catherine Breillat

1988

Chocolat

Claire Denis

1988

Noir et blanc

Claire Devers

1986

Trois hommes et un couffin

Coline Serreau

1985

Sans toit ni loi

Agnès Varda

1985

Coup de foudre

Diane Kurys

1983

L’une chante, l’autre pas

Agnès Varda

1977

L’amour violé

Yannick Bellon

1977

Mais qu’est-ce qu’elles veulent

Coline Serreau

1975

La Garçonne

Jacqueline Audry

1957

 

 

Biographie

Corinne Oster est maître de conférences à l’université de Lille 3, où elle enseigne la traduction (anglais <> français) et la traductologie au sein du département Angellier et du Master de traduction professionnelle, audiovisuelle et cinématographique MéLexTra.  Avec une expérience de traductrice aux USA et une thèse américaine portant sur les femmes cinéastes en France et leur rapport à la marginalité, ses domaines de recherche sont divisés en deux catégories : traduction et cinéma.  Le point de convergence entre ces deux domaines est néanmoins une approche exploitant les théories féministes et/ou de genre pour analyser le rapport entre femmes et traduction d'une part, et femmes et cinéma d'autre part.  Elle est l’auteur de publications dans ces deux domaines de recherche 


 

[1] Parmi les films totalisant plus d’un million d’entrée, Tarr et Rollet (2001) citent Trois Hommes et un couffin, La Crise (Coline Serreau), Gazon Maudit, Ma Vie est un enfer, Les Keufs (Josiane Balasko), Le Goût des autres (Agnès Jaoui), Vénus Beauté (Institut) (Tonie Marshall), La bûche (Danièle Thompson) et Sans Toit ni loi (Agnès Varda).

[2] Cet inventaire reprend en partie un article publié par l’Harmattan (Oster, 2007 : 315-328), suite au colloque international de l’AFFECCAV en 2004. 

[3] Il s’agit principalement des films de Catherine Breillat et de celui de Virginie Despentes, Baise-moi, dont la réception comme œuvres parfois qualifiées de  pornographiques témoignent à la fois de leurs limites et celles de la société qui les voit/lit lorsqu’il s’agit de discours directs ou agressifs sur la sexualité.

labrys, études féministes/ estudos feministas
janvier/ juin / 2014  -janeiro/junho 2014